Carlton - DSK : entre peur et honte, pas facile de témoigner au tribunal pour une victime de proxénétisme

Peur des représailles, pressions, crainte d'être stigmatisée ou envie de tirer un trait sur le passé: peu de victimes de proxénétisme acceptent de témoigner devant un tribunal, ce qui rend exemplaire le procès du Carlton à Lille, soulignent des spécialistes.

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"En France, on compte environ 400 procès de proxénétisme aggravé par an", explique Yves Charpenel, avocat général de la cour de cassation et président de la Fondation Scelles, qui lutte contre la prostitution. "Dans ces affaires, seulement une victime sur cent va venir témoigner au tribunal."

Celles qui témoignent "sont celles qui ont passé un cap, des 'survivantes' qui disent 'je n'ai plus rien à perdre'", explique-t-il, saluant "les courageuses"
du procès Carlton qui montrent "qu'on peut passer le mur de la peur ou de la honte". Une attitude d'autant plus rare que la majorité préfère tirer un trait sur leur passé.

"On est dans la violence sexuelle, les victimes ont honte, elles veulent tourner la page, oublier ce qu'elles ont vécu", explique Grégoire Théry, délégué
général du Mouvement du Nid, qui accompagne les quatre prostituées parties civiles au procès lillois avec les Equipes d'actions contre le proxénétisme (EACP), une autre association parisienne.


Peur du regard des autres

Les prostituées craignent d'être stigmatisées par l'entourage ou la famille. Car même si tous les procès ne sont pas aussi médiatisés que celui du Carlton, ils
sont publics (le huis clos est rarement obtenu) et peuvent révéler un pan de vie jusque là soigneusement caché.

C'est le cas de Mounia, partie civile du procès lillois, dont la famille n'était pas au courant de ses activités. Ou de Jade qui avouait à l'audience que "la difficulté, c'est que tout ce que je dis est retranscrit dans la presse, et que ma maman le lit".


Accompagnement indispensable

Difficile également de postuler pour un emploi si l'image d'ancienne prostituée colle à la peau, remarque Grégoire Théry. "Elles ont peur que leur témoignage les handicape pour le reste de leur vie." Pour qu'elles parlent, elles doivent être accompagnées, insiste Yves Charpenel. "Aucune victime ne vient seule à un procès".

Un accompagnement souvent de plusieurs années, avec une aide psychologique mais aussi financière ou administrative, notamment pour les étrangères, souvent sans papier, qui constituent la majorité des victimes de proxénétisme en France.

Pressions courantes 

Même si elles ont parlé devant la police lors de l'enquête, lorsque l'affaire arrive en procès, souvent plusieurs années après, peu viennent à la barre par crainte "des autorités", mais aussi par "peur d'être confrontées à leurs bourreaux". "Ces filles sont souvent très marquées par ce qu'elles ont vécu", raconte Me Vanina Meplain, avocate bénévole d'EACP.

Et les pressions sont "courantes". "Si elles sont étrangères, les proxénètes les tiennent à travers leur famille restée au pays", explique Yves Charpenel, citant l'exemple d'une jeune Roumaine, maman d'un petit garçon enlevé par les proxénètes pour qu'elle se taise.

Mais pour Grégoire Théry, "le plus douloureux, c'est souvent de s'entendre dire, à l'audience, qu'elles y ont trouvé un intérêt", de la part d'avocats de la défense ou de magistrats qui ont "l'image fantasmée de filles consentantes". "Il y a l'idée sous-jacente que ces filles se sont fait de l'argent en se prostituant,
et que maintenant elles en veulent plus à l'audience
", confirme Me Christophe Grignard, autre avocat d'EACP.  

"Elles s'entendent dire des choses effroyables, que c'est une histoire d'amour qui a mal tourné, qu'elles surjouent leur souffrance", ajoute Yves Charpenel, qui se souvient d'une "jeune Serbe, revendue 12 fois en 10 ans" par des proxénètes, et "à qui la défense disait -faut pas exagérer-".     

Quand elles ne sont pas à l'audience, la défense parle de "pseudo-victimes" qui n'ont pas daigné venir, insiste Me Meplain. Mais quand elles sont présentes, les proxénètes, sont plus lourdement condamnés, rappelle Yves Charpenel: "Les juges sont comme Saint-Thomas, ils ont besoin de voir pour croire."
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