La maire PS de Lille Martine Aubry saura mardi si l'affaire de l'exposition à l'amiante de salariés d'une usine, dans laquelle elle a été mise en examen, rebondit à nouveau ou si elle est définitivement derrière elle.
Plus de 300 salariés de l'usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados) se sont vu reconnaître des maladies professionnelles. D'anciens directeurs et employés du site avaient été mis en examen, mais l'ancienne juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy avait élargi son enquête à l'action des pouvoirs publics et à l'influence prêtée au Comité permanent amiante (CPA), accusé d'être le lobby des industriels qui aurait efficacement défendu "l'usage contrôlé" de cette substance pour retarder au maximum son interdiction.
C'est ainsi que Martine Aubry avait été mise en examen en novembre 2012 pour homicides et blessures involontaires pour son rôle entre 1984 et 1987 au ministère du Travail, dont elle était directrice des relations du travail (DRT). Après plusieurs rebondissements procéduraux, la mise en examen de Mme Aubry et de sept autres personnes, hauts fonctionnaires, scientifiques et industriels impliqués dans le CPA, a été annulée, pour la deuxième fois, en juin 2014. L'Andeva (Association nationale des victimes de l'amiante) s'était alors de nouveau pourvue en cassation. Elle n'a jamais caché son scepticisme quant au bien fondé des poursuites contre Mme Aubry, mais comme la décision attaquée est commune à plusieurs mis en examen, la maire de Lille se trouve mécaniquement visée par ce recours. L'Andeva refuse que les responsabilités soient cantonnées au niveau local et espère un grand procès de l'amiante. Lors de l'audience le 26 mars devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui ne juge pas du fond du dossier mais de la bonne application du droit, l'avocat général a préconisé le rejet du pourvoi.
"Gestion défaillante"
Mardi, la Cour de cassation se prononcera également sur un pourvoi contre l'annulation de neuf mises en examen dans l'affaire concernant le campus de Jussieu à Paris. Mais dans ce dossier, l'avocat général s'est prononcé pour la cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris qui a annulé les mises en examen de l'ancien directeur général de la Santé Jean-François Girard, du pneumologue Patrick Brochard et de sept autres personnes. Si la Cour suivait la position du ministère public, le dossier serait à nouveau examiné devant une chambre de l'instruction.La cour d'appel avait estimé que le lien de causalité entre les fautes reprochées aux mis en examen et les dommages subis par les victimes n'était pas certain, pointant un problème récurrent dans les affaires d'amiante: l'impossibilité de dater précisément une contamination dans le cas de maladies qui se développent dix à quarante ans après l'exposition à ce minéral. Enfin, la Cour de cassation doit aussi rendre sa décision concernant le dossier des chantiers navals de la Normed à Dunkerque (Nord). Un pourvoi a été formé contre l'annulation de la mise en examen d'un ancien responsable du ministère du Travail. Sa mise en examen a également été annulée dans les deux autres dossiers.
En 2005, un rapport sénatorial avait accablé l'État pour sa "gestion défaillante" du dossier de l'amiante. Jugé responsable par les autorités sanitaires de 10% à 20% des cancers du poumon, ce minéral pourrait provoquer 100 000 décès d'ici à 2025.