Syndicalistes, dirigeants de MyFerryLink et responsables politiques ont fait part lundi de leur surprise, voire de leur hostilité, à l'annonce de la vente par Eurotunnel de deux des trois bateaux de la flotte au concurrent DFDS, laissant planer l'incertitude sur le sort des 600 employés.
##fr3r_https_disabled##"On a senti un grand coup de poignard dans le dos ce matin, doublement avec le décès de Didier (Cappelle, ndlr)", a déclaré Eric Vercoutre, membre fondateur de la Scop (Société coopérative et participative) et secrétaire général du Syndicat maritime Nord, en référence à la mort d'une crise cardiaque du président du conseil de surveillance de la Scop SeaFrance dans la nuit de dimanche à lundi.
"Surprise"
"Le gouvernement doit appeler Jacques Gounon (PDG d'Eurotunnel) à la raison", a ajouté M. Vercoutre à l'occasion d'une conférence de presse à Calais. Le directeur général adjoint de MyFerryLink, Raphaël Doutrebente, a également qualifié de "surprise" la vente du Berlioz et du Rodin à la compagnie maritime danoise, annoncée dimanche soir."On avait imaginé un scénario avec une reprise de l'ensemble de l'activité, notamment par un partenaire qui aurait pu être Stena mais ça n'a pas été le cas. Eurotunnel, a, a priori, choisi le plus offrant", a ajouté M. Doutrebente. La sénatrice-maire de Calais, Natacha Bouchart (UMP), a elle aussi "regretté cette décision, qui fait l'effet d'une douche froide sur les salariés qui luttaient pour imaginer une seconde vie pour leur compagnie, avec notamment le projet d'une nouvelle Scop", a-t-elle dit dans un communiqué.
Un peu plus tôt dans la journée, Jacques Gounon a indiqué que tous les salariés de MyFerryLink ne seraient pas repris par DFDS. "Ça sera un plan de cession avec une reprise, je l'espère maximale, des effectifs mais qui ne sera pas égale évidemment à 100% des effectifs concernés, je crois que tout le monde l'a compris depuis longtemps", a déclaré Jacques Gounon lors d'une conférence de presse téléphonique.
Le choix de DFDS "privilégie ainsi le maintien de l'activité à Calais", et "permet d'espérer la meilleure solution possible en termes d'emplois sauvegardés
sans interruption des services début juillet", avait assuré Eurotunnel dimanche soir.
Blocage du port de Calais
Le groupe Eurotunnel, qui exploite le tunnel sous la Manche, se veut confiant dans l'autorisation que doit désormais donner l'autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA) à cette opération "qui se traduira par deux opérateurs maritimes d'égale importance". D'après un porte-parole de la CMA, l'autorité "étudie toujours la possibilité de déposer un recours devant la Cour Suprême" et devrait prendre sa décision dans les deux semaines à venir.Outre DFDS, le Britannique P&O assure des liaisons entre Calais et Douvres. La compagnie française propose elle chaque semaine plus de 200 traversées uniquement entre Calais et Douvres. En revanche, Eurotunnel souhaite "poursuivre son exploitation en frêteur", de son troisième navire, le Nord-Pas-de-Calais, de fabrication plus ancienne, et en fera la demande aux autorités de la concurrence.
En 2012, Eurotunnel avait racheté les bateaux de l'ex-SeaFrance pour les louer à d'anciens marins de la compagnie regroupés dans la Scop SeaFrance qui affrète les navires au groupe Eurotunnel, via MyFerryLink. Mais un long feuilleton judiciaire a pesé sur l'activité, les autorités britanniques,
saisies par DFDS et P&O, estimant que cette situation posait des problèmes de concurrence. Mi-mai, la cour d'appel britannique a donné raison à la compagnie maritime française, suspendant l'interdiction de desservir Douvres depuis Calais.
Cette victoire de MyFerryLink n'a pourtant pas "modifié la donne" pour le groupe Eurotunnel. Le conflit sévissant depuis des mois entre le conseil de surveillance et le directoire a également pu peser dans le choix d'Eurotunnel de ne pas renouveler son contrat avec la Scop SeaFrance qui court jusqu'au 2 juillet. En soutien aux salariés de MyFerryLink, des employés du port et de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) ont bloqué le port de Calais
une partie de l'après-midi.