Le Belgique n'a pas les mêmes lois concernant la fin de vie. Comment pourraient-elles s'appliquer dans une affaire comme celle qui concerne Vincent Lambert ?
L'affaire Vincent Lambert aurait-elle pu se dérouler de la même façon chez nos voisins, en Belgique ? La question est difficile à trancher. Voire impossible. En tout cas, elle fait débat. Le cas de Vincent Lambert, patient tétraplégique en état végétatif depuis un accident de la route il y a 10 ans, est complexe. La loi en Belgique est complexe. Et il est évidemment difficile de transposer complètement et facilement un cas d'un pays à l'autre, d'une législation à l'autre.
Certains ont pourtant un avis tranché. A commencer par le neveu de Vincent Lambert qui affirmait ce mardi matin sur Europe 1 : "En Belgique, quand on ne connaît pas le souhait du patient, il y a une enquête. On réunit tout le monde et on essaie de reconstituer le souhait du patient, je trouve ça bien. Vincent n'avait pas écrit de directive anticipée. Le fait qu'il y ait une enquête, je trouve ça plutôt sain. (...) Après le fait qu'il y ait recours sur recours sur recours et que vous vous ne puissiez rien faire, que vous soyez démunis parce que c'est le droit à la vie en premier, c'est très problématique. A ce niveau-là, en Belgique, on peut être à peu près certain que ça ne se serait pas passé comme ça."
"Si Vincent Lambert avait été en Belgique... il y aurait quand même eu l'affaire Lambert"
Jean-Luc Romero, militant pro-euthanasie en France, va dans le même sens (sur Europe 1): "En Belgique, les parents de Vincent Lambert n'auraient pas pu s'opposer au choix de sa femme, et on n'aurait pas passé onze ans dans cette affaire extrêmement douloureuse."
Mais cette interprétation est-elle vraiment aussi claire et limpide ? "Si Vincent Lambert avait été en Belgique, en Suisse ou aux Pays-Bas, il y aurait quand même eu l'affaire Lambert", affirme par exemple à l'inverse à franceinfo le docteur Éric Kariger, ancien chef de service au CHU de Reims. "Ce n'est pas une question d'euthanasie ou pas, poursuit-il. C'est la question que la médecine se retire tout en continuant à accompagner jusqu'au bout son malade, dans une dignité et dans un confort de fin de vie qui doit être celui de l'intime, et de la présence des proches en soutien à leur mari, à leur fils, à leur frère."
La Belgique semble tout de même avoir avancé dans le débat sur ce point. Notamment en permettant à chacun de bien comprendre la différence entre euthanasie, arrêt de traitement, administration de morphine et sédation.
En 2002, nos voisins ont adopté trois lois différentes sur la fin de vie : euthanasie (environ 2000 déclarations d’euthanasie en 2016), soins palliatifs et droits du patient. C'est la loi du 22 août 2002, portant sur le dernier point qui pourrait s'appliquer à Vincent Lambert. L'ancien infirmier n'a pas rédigé de déclaration de refus de traitements. Dans ce cas, la loi belge est effectivement précise :
- En premier : le partenaire cohabitant, marié ou pas.
- Deuxième : les enfants majeurs.
- Troisième : les parents
Décision prise avec l'épouse
« Il est bien question de représentation, il ne s’agit pas de connaître l’opinion de ces personnes mais bien la volonté du patient, précise à la RTBF Jacqueline Herremans, avocate, membre de la Commission de contrôle de l'euthanasie (CFECE) et présidente de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). »
Et elle poursuit : "Si Vincent Lambert avait été soigné en Belgique,l’éventuelle décision d’arrêt de traitements, après échec persistant pour établir une communication, aurait été prise avec son épouse. Cela n’aurait pas empêché que tout soit mis en œuvre pour arriver à une décision partagée. (...) La "hiérarchie en cascade "règle les conflits familiaux. Une famille est rarement homogène dans sa perception des questions de vie et de mort. On le voit avec le cas de Vincent Lambert."
L'épouse et le neveu de Vincent Lambert affirment qu’il avait pris position contre tout acharnement thérapeutique. Mais ses parents se sont toujours opposés à l'arrêt des traitements et viennent d'obtenir leur reprise après un nouveau recours.
"Un cas extrême"
En France, cet éventuel "arrêt des traitements" est encadré par la loi Claeys-Leonetti de 2016. Il n'est pas question dans le texte d'autoriser l'euthanasie ou le suicide assisté mais parle « d'obstination déraisonnable ». les traitements donnés à un patient peuvent être arrêtés s'il « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». La décision doit être prise par les médecins de façon « collégiale ».
Selon Nicolas Hervieu, spécialiste de du droit européen et enseignant à Science-po Paris interrogé par Libération, la loi française est claire sur le papier : «Le médecin prend les commandes, après avoir consulté la famille et ses proches. La loi ne précise pas si l’avis des parents, par exemple, prime sur celui de l’épouse. Le médecin doit aussi recueillir l’avis de deux médecins extérieurs à l’hôpital où il exerce. Parler de "flou" de la loi n’est donc pas légitime. L’affaire Lambert est le premier cas à prendre une tournure aussi conflictuelle, parce que la famille se déchire. C’est un cas extrême.»
40 % des Belges favorables à l’arrêt des traitements coûteux pour les personnes âgées
Fin mars 2019, un sondage réalisé en Belgique, montre que la question de l'arrêt de certains traitements pour les personnes âgées fait débat. 40 % des Belges se disent favorables l’arrêt des "traitements coûteux qui prolongent la vie des plus de 85 ans". Objectif : préserver l’équilibre de la Sécu."69 % des Belges estiment légitime de dépenser 50.000 euros pour un traitement vital, ils ne sont que 28 % à conserver cette opinion si le patient a plus de 85 ans", écrivait également le quotidien Le Soir.