Affaire Clément Méric : "J'ai arrêté [d'être skinhead]," assure l'Axonnais Esteban Morillo à son procès

Esteban Morillo, ex-skinhead originaire de l'Aisne, comparaît avec deux complices aux assises de Paris depuis le 4 septembre dans l'affaire de la mort de Clément Méric, en juin 2013. Lors de la première journée du procès, le principal accusé est apparu repenti.

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Cinq ans après la mort de l'antifasciste Clément Méric, l'ex-skinhead qui a reconnu avoir frappé le jeune homme lors d'une rixe, a affirmé mardi avoir quitté cette extrême droite "de gros bourrins" qui ne lui a apporté "que des problèmes". 

Au premier jour du procès, les débats sont consacrés à la personnalité du principal accusé, qui avait immédiatement reconnu avoir porté deux coups à l'étudiant de Sciences Po de 18 ans.
 

"Attristé par cette affaire"

Clément Méric se remettait à peine d'une leucémie quand avait éclaté une rixe entre "skinheads" et "anfifas" ce 5 juin 2013, après la rencontre fortuite entre deux groupes ennemis à une vente privée de vêtements en plein Paris.

Devant la cour d'assises de Paris, cheveux bien peignés et costume sombre, Esteban Morillo, 25 ans, tient à dire d'abord à quel point il est "attristé par cette affaire".

Il a pris près de 40 kg en cinq ans, vient de perdre son dernier emploi, dans une société de nettoyage, "comme à chaque fois" qu'on parle de l'affaire. Après 15 mois de détention provisoire, il comparaît libre, aux côtés deux autres anciens skinheads, pour des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, commises en réunion et avec arme - un poing américain. Il risque 20 ans de prison.
 
 

Chats, lapins et blaireau

Depuis cette soirée de juin 2013, il assure avoir "tourné la page". - "Vous aviez tatoué « Travail, famille, patrie » sur votre bras. Pourquoi?", demande la présidente Xavière Siméoni. - "Ben, je trouvais que la devise était belle, je ne savais pas que ça avait un rapport avec Vichy (le régime français qui collabora avec l'Allemagne nazie, NDLR). Je l'ai découvert après".

Il explique avoir aussi eu sur le coeur un trident, symbole prisé du groupuscule d'ultradroite Troisième voie, dont sa petite amie est alors membre et qui sera dissous après la mort de Méric. Et aussi une femme dans une coupe de champagne, "pour l'esthétique, celui-là".

Il dit tout le mal qu'il a eu à faire recouvrir ces signes d'appartenance à une idéologie identitaire et raciste: "Personne ne voulait le faire, on me disait : « t'es qu'un sale facho »". Il y parvient tardivement, faisant appel à une familière du Local, le bar de Serge Ayoub, fondateur de Troisième voie.

 

Incapable d'expliquer ses sympathies d'ultradroite - qui remonteraient à ses 17 ans, alors qu'il se formait au métier de boulanger - il dit qu'il rendait des services, venait à des manifestations "pour faire nombre", participait à des rassemblements contre les violences aux animaux.

"J'ai fait quelques temps à Troisième voie", concède-t-il. "C'était un syndicat, ni de droite, ni de gauche, avec une conviction solidariste". "Ce qui veut dire?" demande la présidente. "À vrai dire, je sais pas", répond Esteban Morillo. Et "être skinhead"? veut savoir la magistrate. "C'est avoir un look: le crâne rasé, un blouson noir, de grosses chaussures. J'ai arrêté (...). Je ne voulais plus leur ressembler, c'étaient des gros bourrins."

 

Je suis tellement désolé.

Esteban Morillo, principal accusé


Finalement, une des seules passions qu'il conserve concerne les animaux: il avait, à l'époque, "quatre chats, des rats, des lapins et un blaireau". Avec sa compagne actuelle, il rêve d'ouvrir "un refuge pour animaux maltraités".

Les avocats de la famille Méric ne sont pas convaincus. "Vous dites que vous avez changé, mais j'ai l'impression que vous avez gommé, simplement", assène Me Christian Saint-Palais. L'avocat général ne parvient pas plus à faire reconnaître une ancienne sympathie pro-nazie à Morillo, fils d'immigré espagnol, né à Cadix et élevé à Neuilly-Saint-Front, près de Château-Thierry (Aisne), qui se borne à être "tellement désolé".
 


Usage d'une arme ?

Avant d'entrer dans la salle, le père de Clément, Paul-Henri Méric, a dit attendre "la vérité sur les circonstances" de la mort de son fils, mais aussi espérer le "procès des violences de l'extrême droite".

Dans la rue où a eu lieu la rixe, rebaptisée rue Clément Méric par une affichette, quelque 300 personnes réunies en début de soirée sous le slogan "l'extrême droite tue, faisons son procès", ont voulu réaffirmer le caractère "politique" de la mort du jeune militant.

Au contraire, les avocats des accusés appellent à "laisser la politique de côté" pour "établir les faits", évoquant des "violences réciproques". Au vue d'expertises et de témoignages divergents, les débats devront lever les incertitudes sur plusieurs points: l'usage ou pas d'une arme, la volonté d'en découdre
des uns et des autres. Le verdict est attendu le 14 septembre.
 
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