D'après une enquête réalisée par les équipes de l'émission "Vert de rage" sur France 5, 487 écoles des Hauts-de-France comporteraient des traces d'amiante. Parmi elles, 10 ont accepté de fournir des informations. C'est le cas de deux communes dans l'Aisne.
Après huit mois de recherches, les équipes de l'émission "Vert de rage", diffusée sur France 5, ont réalisé une enquête concernant la présence d'amiante dans les écoles.
D'après leurs résultats, en France, sur les 19 331 établissements qui ont fourni des informations, 5 507 contiennent des matériaux amiantés, soit 28,4 %. Un chiffre qui est "largement sous-estimé" selon les journalistes puisque 31 605 écoles n'ont pas répondu à leurs sollicitations.
Dans les Hauts-de-France, 487 écoles ont ainsi été répertoriées comme pouvant contenir de l'amiante, sachant que pour seulement 10 d'entre elles, il y a bien eu confirmation de la présente de matériaux amiantés. Pour le reste, il s'agit des "établissements qui contiendraient de l’amiante en 2023, mais nous n’en avons pas eu la confirmation par l’établissement ou la mairie", indiquent les journalistes.
Pour l'ensemble des établissements, le site franceinfo a mis à disposition un moteur de recherche pour vérifier si votre commune est concernée. Dans leur enquête, les journalistes de "Vert de rage" précisent ainsi si un DTA (Diagnostic Technique Amiante) a été mis à disposition des parents d'élèves, s'il y a eu des obligations de travaux en 2016 ou en 2023 et si ces travaux ont bien été réalisés.
Un manque d'information
C'est le cas de l'école maternelle de Beaurevoir dans l'Aisne où un diagnostic amiante a été réalisé en 2022, notamment après avoir reçu un signalement de la part du personnel de l'établissement. "Suite à ça, on a retrouvé un vieux diagnostic de 2007 qui déjà indiquait qu'il y avait un problème avec l'amiante dans l'école maternelle, donc immédiatement, on a contacté une entreprise et les travaux ont eu lieu en juillet 2022", détaille l'adjoint au maire Guillaume Wabont.
L'amiante retrouvé était de l'amiante chrysotile, "c'est moins dangereux en termes de risque sanitaire", indique l'adjoint au maire. "J'étais un peu en colère de voir qu'on avait une analyse qui disait qu'il y avait de l'amiante et que l'état du sol était mauvais et que rien n'avait été fait dans l'intervalle par la mairie. Ce n'était pas possible de laisser ça en l'état", poursuit-il.
Cette enquête relayant la présence d'amiante dans plus de 400 établissements scolaire n'étonne pas l'élu. "Je ne comprends pas que l'inspection académique, le ministère de l'Éducation nationale et l'État, de façon plus générale, ne réagissent pas parce que cela fait des dizaines d'années que l'on sait qu'il y a un problème (...). On sait qu'il y a de l'amiante, on sait que potentiellement, cette exposition à l'amiante est problématique parce qu'il peut y avoir des poussières d'amiante et pourtant depuis des décennies, on ne fait rien et il n'y a pas d'alerte des collectivités. Je ne comprends pas que l'État ne fasse pas sa mission d'informer les maires, les présidents de département et de région, de leur dire de faire attention, d'agir et de mettre en place un financement dédié."
Du côté de la commune de Bourg-et-Comin, dans l'Aisne également, l'adjoint au maire déplore aussi un manque d'accompagnement. "Quand on reprend une mairie, on n'est au courant de rien de tout. On n'est pas assez aidé finalement", conçoit Laurent Bereaux. Dans l'école primaire, de l'amiante est présent dans deux colonnes d'une classe construites en même temps que le bâtiment, il y a une cinquantaine d'années et pour lesquelles un diagnostic a été réalisé en 2006. "Elles ont été calfeutrées, puis repeintes, donc il n'y a aucun risque pour les élèves", assure l'élu.
Un matériau interdit en France depuis 1997
L'amiante est un minéral fibreux, autrefois utilisé dans le BTP et notamment dans la construction des établissements scolaires dans les années 60. À cause de sa toxicité - il peut provoquer des maladies respiratoires et des cancers - l'amiante est interdit en France depuis 1997, mais de nombreux bâtiments en contiennent encore, sans qu'il y ait à chaque fois un risque pour la santé.
Durant l'enquête de "Vert de rage", des tests ont été effectués dans 14 écoles. "Nous avons effectué des prélèvements de surface selon la norme ASTM D 6480 (USA), en nous appuyant sur les dossiers techniques amiante des établissements lorsqu'ils étaient disponibles", expliquent les journalistes.
Maxime Misseri, référent technique du laboratoire et chercheur associé à l’Université de Compiègne, a pu ainsi analyser les prélèvements et interpréter les résultats selon un barème des autorités américaines définissant une valeur seuil d'alerte de 5 000 fibres/cm².
"Ce n'est pas parce que l'on a détecté des matériaux amiantés qu'ils sont émissifs, cela dépend de leur état de dégradation, explique Maxime Misseri. La réglementation est faite de telle manière que ces matériaux doivent être surveillés régulièrement. S'ils sont dégradés, à ce moment-là, le matériau va émettre des fibres extrêmement fines, qui sont totalement invisibles. Les enfants sont particulièrement à risque puisque la maladie va se déclarer dans 20 ou 30 ans, ils seront alors encore des adultes dans la force de l'âge et cela peut être assez dramatique."
Selon les analyses effectuées sur ces 14 écoles, des fibres d'amiante étaient présentes dans 79 % des cas. Dans 36 % des cas, le seuil américain était dépassé et dans 43 % des cas, il ne l'était pas. "Si la réglementation avait été suivie, on n'aurait pas dû avoir les taux que l'on a observé dans les poussières proches des matériaux dégradés. J'étais très étonné de certains résultats très importants et très inquiétants.", commente-t-il.