Des juges d'instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris ont rendu une ordonnance de non-lieu dans l'affaire de la contamination à l'amiante de salariés du groupe industriel Alstom à Belfort.
Une affaire qui remonte à 1996 après le décès de deux salariés
Le non lieu a été signé le 12 octobre dernier. Dans cette affaire, une plainte avec constitution de partie civile, notamment pour homicides, blessures involontaires et empoisonnement, avait été déposée au tribunal judiciaire de Belfort en 1996 après le décès d'un mésothéliome de deux salariés d'Alstom. Plusieurs autres victimes ou proches de victimes s'étaient constituées partie civile par la suite et le tribunal de Belfort s'était dessaisi du dossier au profit du tribunal judiciaire de Paris.
Mis en examen en 2004, le groupe avait finalement été placé ensuite sous le statut plus favorable de témoin assisté, la responsabilité pénale des personnes morales n'étant entrée en vigueur qu'en 1994, ce qui ne permettait pas de les poursuivre pour des faits commis antérieurement.
“C’est honteux, on aurait voulu qu’Alstom soit condamné au pénal pour empoisonnement”
Ce non lieu n’est pas vraiment une surprise pour l’association des victimes de l’amiante de Franche-Comté (ADEVAM) dont Jacques Rambur, ancien syndicaliste d’Alstom Belfort est le président. “On savait depuis quelques années que les juges allaient botter en touche. Dans tous les grands dossiers comme Eternit, la justice a prononcé des non lieux car elle ne peut pas dire à quel moment le salarié a été infecté et mettre un nom du coup sur la personne responsable” déplore Jacques Rambur. A Belfort, l’amiante était utilisée dans les process de fabrication. Des dizaines de milliers de personnes y ont été exposé au fil des années jusqu’à l’interdiction du produit en 1997 rappelle Jacques Rambur.
Pourquoi un non lieu ?
Selon des éléments de l'ordonnance dont l'Agence France Presse a eu connaissance, les juges rappellent ce principe, tout en soulignant qu'il était "établi" qu'Alstom et ses dirigeants avaient "manqué aux obligations qui leur étaient imposées en matière de protection à l'amiante des salariés travaillant pour leur compte".
Par ailleurs, les magistrats estiment "impossible en l'état des données de la science de déterminer avec certitude" la date de la contamination des salariés, en raison des "temps de latence globalement très longs des maladies en lien avec l'amiante". Ce qui empêche d'engager la responsabilité pénale de ses dirigeants.
Les juges s'appuient en cela sur une expertise judiciaire définitive de février 2017. Cette analyse a été retenue dans plusieurs autres affaires liées au scandale de l'exposition à ce matériau interdit en France en 1997 qui se sont soldées par un non-lieu.
Toutefois, en janvier, la cour d'appel de Paris a pour la première fois infirmé, dans le dossier de l'entreprise Everite de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), un non-lieu qui s'appuyait sur cette expertise et renvoyé l'enquête aux juges d'instruction.
Elle avait estimé que l'intoxication résultait "selon les experts d'un processus +d'accumulation+ des fibres respirées" et que de fait, c'était "toute la période d'exposition" qui contribuait "à la maladie ou au décès".
Ainsi, "chaque dirigeant successif peut avoir participé, à son échelle de responsabilité, à l'exposition des salariés aux fibres d'amiante", poursuivait-elle.