Des éleveurs du sud de l'Aisne militent pour une nouvelle appellation d'origine contrôlée (AOC) du brie de Meaux. L'objectif ? Modifier la zone de production et ainsi, fabriquer le fromage en Picardie.
"Je suis à 200 mètres de l'Île-de-France, il n'y pas de limite naturelle". Jean-Armand Delaitre habite à Bézu-le-Guéry dans le sud de l'Aisne. Et pourtant, l'adresse de cet éleveur laitier change tout : "Je ne peux pas avoir l'AOC brie de Meaux car je n'habite pas en Seine-et-Marne."
Jusqu'en 2006, Jean-Armand vivait en Seine-et-Marne sur l'exploitation familiale. Son lait était transformé en brie, mais depuis son déménagement en Picardie, il ne peut y prétendre. "Mon père a toujours fait du lait pour faire du brie. On est des briards dans la famille."
Une zone qui fait débat
Aujourd'hui, l'éleveur milite pour une nouvelle appellation d'origine contrôlée. "La zone AOC est aberrante parce que ça contourne l'Aisne, il n’y a pas de cohérence", affirme-t-il. Une partie du sud de l’Aisne est géographiquement attachée à la région naturelle de la Brie. Mais pour l’heure, le lait qui y est produit ne bénéficie pas de l'appellation d'origine contrôlée "Brie de Meaux". La chambre d’agriculture de l'Aisne, appuyée par le maire de Château-Thierry, demande donc à ce que le lait produit dans cette zone du département puisse en bénéficier. "Sur la carte, on voit très clairement qu'il y en a en Seine-et-Marne et dans l'Aube, et dans le creux, il y a l'Aisne", explique Sébastien Eugène, le maire de Château-Thierry.
L'AOC augmente le prix du lait de 20 %
Pour Jean-Armand Delaitre, éleveur, cette AOC serait intéressante aussi financièrement : "Il y a des primes AOC qui ne sont pas négligeables. En lait standard, le litre est vendu 35 centimes. Avec l'AOC, il y a une prime de 5 centimes au litre." Il possède une centaine de vaches et emploie deux salariés. "Avec cette aide, concrètement, ça me permettrait de payer l'un de mes salariés", avance-t-il.
Mais l'intérêt n’est pas seulement économique. "C'est une valorisation personnelle. Ça permettrait aux jeunes d'avoir une visibilité et de rendre le métier attractif. C'est très important, surtout en ce moment ", revendique l'agriculteur axonais. "C'est aussi une question d'image pour le territoire, reconnaît Sébastien Eugène, l'élu qui est également vice-président en charge du développement économique à la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry. Ça permettrait au département de l'Aisne d'avoir une appellation de plus après le champagne et le maroilles."
Quid du cahier des charges ?
Qui dit AOC, dit aussi cahier des charges. Selon Jean-Armand Delaitre, là encore, il n'y aurait "pas ou peu de difficultés". "Évidemment, il y aurait plus de traçabilité. Par exemple, il y aura des analyses sur le lait cru. Mais personnellement, je remplis quasiment déjà le cahier des charges hormis la zone de production du lait", explique-t-il.
Mais le combat n'est pas encore gagné. Un comité qui gère l'AOC doit d'abord se réunir et décider de l'ouverture d'une étude pour l'élargissement du périmètre de l'appellation si cela lui semble justifié. Une trentaine d'exploitations sur le sud de l'Aisne serait intéressée.