Le béret sur la tête et l’œil mélancolique, le paysan tourne le dos au champ de bataille : il regarde au loin, vers ses montagnes qu’il ne rejoindra pas. La gloriole n’a pas sa place, ici, sûrement parce que le sculpteur était un ancien combattant. Avec le monument des Basques, il a rendu hommage aux hommes du sud-ouest, tombés pour le chemin des Dames.
Le chemin des Dames est un écueil familier pour les fantassins venus des Pyrénées. Dès 1914, ils tentent de le reprendre aux Allemands et la presse s’extasie sur ces robustes soldats paysans, habiles à lancer des grenades. Et pour cause : les Basques pratiquent la pelote. Le magazine Sporting décrit avec lyrisme ces joueurs à la démarche élégante. « Leurs muscles sont d’une souplesse rare et d’une vigueur exceptionnelle. » La légende imagine le champion du monde, Chiquito de Cambo, jetant ses projectiles, armé de son chistera.
Au printemps 1917, le roman n’a pas sa place sur le chemin des Dames, plateau lunaire où l’on peine à distinguer les tranchées bouleversées par les barrages d’artillerie. Début mai, Basques et Landais conquièrent les plateaux de Craonne et de Californie. Les Allemands contre-attaquent et leurs troupes d’assaut s’infiltrent par petits groupes, armés de lance-flammes. Elles sont repoussées à coups de grenades. Dans cette mêlée, les soldats du régiment de Bayonne sont aussi victimes d’obus français.
25 000 Basques partirent à la guerre et 6 000 ne revinrent jamais. A Biarritz, les femmes ont pris le deuil. Des monuments aux morts ont été construits au pays, et ici aussi en Picardie : les anciens combattants du sud-ouest réclamaient ce souvenir. Une souscription fut lancée, pour ériger cet obélisque de Craonelle, inauguré en 1928.
Toute la collection des 670 vidéos Histoires 14-18