"L'illettrisme n’est pas une fatalité" : adultes, ils réapprennent à lire, écrire et compter

Le département de l’Aisne est particulièrement touché par l'illettrisme. Il atteint 13 %, soit deux fois le niveau national. Pour lutter contre ce handicap, le centre de formation personnalisé de l’Aisne propose des ateliers pour réapprendre à lire, à écrire et à compter. Une voie vers l’autonomie.

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À Soissons, chaque semaine, le centre de formation personnalisé de l’Aisne (CFP02) organise des ateliers pour lutter contre l'illettrisme. Les stagiaires sont tous en situation d'illettrisme et ont été orientés dans ce centre par des travailleurs sociaux ou France Travail (ex-Pôle emploi). Ils ont entre 18 et 65 ans. Ils ont connu les bancs de l’école, mais n’ont acquis aucune base ou les ont perdus, contrairement aux personnes analphabètes qui n’ont jamais bénéficié d’enseignement. Certains d'entre eux n’ont jamais travaillé.

Des ateliers pour réapprendre à lire, à écrire et à compter

Le CFP02, qui possède des antennes dans plusieurs communes de l'Aisne, Soissons, Laon, Vervins, Montcornet, Chauny, accueille chaque semaine les stagiaires. Au menu, des cours de français, de mathématiques, de culture générale, de bureautique et d'accompagnement vers l'emploi. Il y a quelques jours, les stagiaires ont été invités à participer au salon "Carrefour de l’emploi" et ils doivent maintenant rédiger un compte rendu de leurs rencontres avec les professionnels sur les ordinateurs prêtés par le centre. Autour d’eux, trois formatrices les encadrent et les aident pour la rédaction de leur synthèse.

Les idées sont là, mais il faut savoir les mettre en forme. "C’est compliqué, car je n’ai pas été trop à l’école", explique Salima, une trentenaire qui poursuit tout de même un objectif bien défini. "Je veux devenir ambulancière. Il y a des stages à faire pour être brancardier dans un premier temps et ensuite, je verrai si l’hôpital de Soissons peut me prendre. Et dans trois ou quatre ans, j’essaierai de devenir ambulancière."

J’étais coupée du monde. Maintenant, je suis en contact avec les gens, je suis ouverte aux autres.

Salima, stagiaire au CFP02

Salima a commencé ces ateliers en octobre 2023. Depuis, elle a fait des progrès dans de nombreux domaines. "J’arrive mieux à lire maintenant. Et puis, j’ai pris confiance en moi. Avant, je ne sortais jamais de chez moi. Je m’occupais de mes enfants, j’étais coupée du monde. Maintenant, je suis en contact avec les gens, je suis ouverte aux autres. J’apprends des autres."

Dans la salle, l’effort de concentration est palpable. Tous les yeux sont rivés sur l’écran, car il faut aussi retenir les fonctions de chaque touche du clavier. "Lire, écrire et compter représente des savoirs fondamentaux et indispensables dans notre société. On travaille le français et les mathématiques, mais les ateliers numériques sont importants aussi. On leur enseigne de manière ludique et utile, comme cet atelier de recherche d’emploi, par exemple. Ils apprennent sans s’en rendre compte. Cela leur évite de ressentir qu’ils retournent à l’école", explique Naïma Ait Hamouda, formatrice au centre de formation personnalisé de l’Aisne. 

Un handicap invisible, mais pas irréversible

L'illettrisme continue de progresser dans la population française, toute génération confondue. Il est de 7 % au niveau national. Dans l’Aisne, il représente 13 %, comme dans le Pas-de-Calais. Dans la Somme, 12 % et dans l’Oise, 8 %. Pourtant, c’est un public encore invisible, car la moitié travaille et parvient à cacher son handicap dans la société. "C’est difficile, pour eux, de parler de leur illettrisme. Mais lorsque le bénéficiaire parvient à poser des mots sur son handicap, c’est une libération. Il ose enfin. Les gens n’en parlent pas parce qu’ils ont honte. Ils ont tellement été jugés qu’ils ont perdu tout repère social. Notre rôle est aussi de dédramatiser. Il faut que la confiance s’installe entre nous et le travail peut commencer. Le fait de travailler l’estime de soi leur permet de redécouvrir le monde qui l’entoure et de réfléchir au projet professionnel", décrit la formatrice.

Maintenant, je peux même rédiger ma lettre de motivation. Je suis autonome. Je suis fière

Thérèse, stagiaire au CFP02

Thérèse, la cinquantaine, s’est inscrite à cette formation pour changer de vie. Après une grave maladie, elle a décidé de chercher du travail. Sa conseillère Pôle emploi l’a orientée vers ce centre. Depuis qu’elle participe à ces ateliers, elle aussi a retrouvé confiance en elle. "Quand je suis arrivée ici, j’étais désespérée. Je ne savais pas écrire de curriculum vitæ. Ce sont mes enfants qui le faisaient pour moi. La formatrice m’a beaucoup poussée pour m’aider à apprendre à écrire. Maintenant, je peux même rédiger ma lettre de motivation. Je suis autonome. Je suis fière", sourit Thérèse.

Pour s’en sortir et trouver un emploi, tous ces élèves sont volontaires. Chacun a ses petites astuces pour apprendre. Dorian, 26 ans, est dyslexique et son point noir, c’est l’orthographe. Alors, il ne se décourage pas et continue les cours, seul à la maison. "J’écris tel que j’entends les mots. Pour progresser, je lis un texte et j'extrais quelques phrases que je recopie, la feuille retournée. Puis je corrige mes fautes. Je m'améliore dans l’écriture petit à petit", explique-t-il. La formation est proposée chaque semaine dans toutes les antennes de l'Aisne et dure entre trois et neuf mois, en fonction des progrès réalisés.

Un centre ressource pour lutter contre l'illettrisme

Afin de lutter au mieux contre l'illettrisme dans l’Aisne, le centre ressource illettrisme et illectronisme (CRII), créé en 2022 dans le cadre du Plan départemental de lutte contre l'illettrisme, installé à Laon, accompagne les acteurs et les habitants. Il organise des temps d’échange et de formation aux professionnels investis dans ce domaine, les travailleurs sociaux, les acteurs de l’emploi, de l’éducation, de la culture. Il permet aussi de les sensibiliser aux bonnes pratiques.

"L’objectif est de démonter les idées reçues, de montrer que les personnes en situation de handicap ont souvent un tabou très fort avec leur situation. Ils ont des stratégies d’évitement. Ils contournent parfois le problème en mémorisant. C’est difficilement détectable. Mais nous donnons des clés pour les identifier. Il y a des signes. Quand ils nous disent qu’ils ne peuvent pas lire parce qu’ils ont oublié leurs lunettes ou qu’une personne a du mal à venir seule à un rendez-vous en transport en commun, par exemple. Quand nous avons compris, nous pouvons aborder le sujet avec eux pour trouver des solutions. Lors des temps d’échange avec les acteurs, nous les guidons pour élaborer des plans d’actions avec leurs bénéficiaires. Car l'illettrisme n’est pas une fatalité. Ce n’est pas parce qu’on est adulte qu’on ne peut plus apprendre", explique Emeline Thévenin, chargée de mission pour le centre ressources illettrisme et illectronisme de l’Aisne.

Le CRII, unique structure de lutte contre l’illettrisme dans les Hauts-de-France, accueille du lundi au vendredi et le premier samedi de chaque mois, au 63 rue Serrurier, à Laon. Le centre est joignable au 0 800 11 10 35, Illettrisme info service.

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