L'important rôle des aides à domicile en zone rurale : "ce sont elles qui créent du lien social"

Dans le cadre de sa thèse, une géographe de la santé s'est installée pendant un mois en Thiérache pour mener des entretiens avec des aides à domicile pour personnes âgées. Grâce à son travail de recherche, elle souhaite rendre visible le rôle social de cette profession presque exclusivement féminine.

Elles ont souvent passé la cinquantaine. Elles ont été habituées à s'occuper des anciens. Des sociologues les appellent "les femmes qui tiennent la campagne". Ces femmes, ce sont les aides à domicile ou les auxiliaires de vie. Des aidantes indispensables en zone rurale, et pourtant si peu valorisées.

Ce constat, Laura Durand, 28 ans, en a fait son sujet de thèse. Pendant un mois, la géographe de la santé s'est installée à Hirson, dans l'Aisne, pour mener des entretiens avec des aidantes : "en tant que géographe, je m'intéresse à des faits sociaux, à la dimension spatiale des faits sociaux. Je travaille sur l'aide à domicile pour les personnes âgées en milieu rural. L'objectif est de rendre visibles ces aidantes, quasiment exclusivement des femmes et de montrer que ce sont elles qui créent du lien social".

Originaire d'Île-de-France, Laura Durand a commencé ses recherches en Normandie avant de s'intéresser à la Thiérache, qu'elle se représente comme un territoire pauvre. "J'ai l'impression que les personnes âgées à faibles revenus vont avoir tendance à rester le plus possible à domicile, même dans des situations de dépendance très forte et avec des domiciles pas forcément bien équipés. Ce n'est pas qu'une question financière, mais aussi de cohabitation".

Dans un premier temps, Laura dépose des questionnaires dans des structures d'aide à domicile de la région d'Hirson. Les aidantes renseignent leur parcours professionnel et leur motivation. Avec celles qui ont envie d'approfondir, un rendez-vous est pris pour un entretien. "On a souvent des professionnelles passionnées par leur métier, qui ont vraiment un sens de la vocation. Heureusement qu'elles l'ont parce qu'elles le disent, elles sont vraiment peu considérées en termes de salaire."

"Ce sont des travailleuses pauvres"

Au cours des échanges, les aidantes se confient à la géographe. Elles évoquent les difficultés rencontrées pendant la pandémie, du sentiment d'avoir été oubliées, contrairement à leurs collègues travaillant dans les hôpitaux ou les Ehpad. "Il y a vraiment une énorme différence de salaire sur le métier à domicile et le métier en institution, constate Laura, alors que c'est mentalement le même et que ça répond à une demande de plus en plus forte. Ce sont des travailleuses pauvres qui partent le matin des fois avant 7h et elles rentrent à 20h30-21h et elles gagnent à peine 1 000 euros. Il y a souvent une non prise en compte du temps de travail effectif et de déplacements parce qu'elles font aussi beaucoup de kilomètres en voiture. Certaines font presque 500 km par semaine. C'est vraiment énorme. Ça donne l'impression que c'est comme si ce métier venait d'être créé."

Au final, Laura a recueilli une vingtaine de témoignages, d'aides à domicile, mais aussi d'aidantes dans les Ehpad, ou encore de responsables de structures. "Quand je vais me tourner vers les employeurs des milieux associatifs, ils font le même constat, mais ils n'ont pas beaucoup de marge de manœuvre. Ils sont pris à la gorge par un manque de financement".

Que ce soit dans le bocage normand ou en Thiérache, la doctorante ne note pas de différences fondamentales entre les territoires. Pour autant, certains détails attirent son attention, comme l'isolement des anciens issus du monde agricole. "Les enfants sont partis loin. J'ai des échos comme ça que je vais avoir envie de creuser et qui renforcent le rôle social de ces accompagnants parce qu'elles ont conscience qu'elles remplacent parfois la famille".

En conclusion de son travail de recherche, la géographe aimerait rendre visibles ces personnes-là. Elle aimerait "contribuer à ce qu'on reconnaisse la vraie nature de leur travail, à une amélioration."

"Je pense qu'il devrait y avoir un service public de l'aide à domicile. C'est un enjeu de société majeur et pour l'instant, on bricole avec des moyens dérisoires pour y faire face."

Laura Durand, géographe de la santé

Laura Durand finit ses derniers entretiens fin avril. Mais elle reviendra avant l'été. Elle souhaite recueillir d'autres témoignages de personnes travaillant dans le secteur médico-social en Thiérache, auprès des personnes âgées. Pour celles ou ceux qui seraient intéressés, vous pouvez la contacter par mail : laura.laetitia.durand@gmail.com.

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