200 personnes se sont rassemblées à La Ferté-Chevresis dans l'Aisne, pour garder un médecin dans leur commune. Le leur part à la retraite et ne trouve pas de remplaçant. Près de 2 500 patients risquent de se retrouver sans médecin dans une zone déjà considérée comme un désert médical.
À La Ferté-Chevresis dans l'Aisne, le cabinet du médecin est ouvert. Mais contrairement aux apparences, le docteur Deloisy est à la retraite après 36 ans d'activité. "Je suis en retraite depuis le 1er octobre. J'ai choisi de continuer à exercer en espérant trouver un successeur. Malheureusement, l'échéance sera certainement beaucoup plus lointaine que celle que j'avais imaginée."
Difficile effectivement de trouver un remplaçant qui accepte de s'installer dans ce village de 560 habitants.
De ce fait, le médecin a accepté de continuer à recevoir ses patients encore quelque temps, mais il a une requête : "je voudrais bénéficier d'un aménagement fiscal, voire d'une exonération sur mes revenus médicaux au même titre que pourrait l'avoir un jeune médecin qui pourrait prendre ma succession, mais seulement pendant la durée de mon activité supplémentaire."
Plus de 200 habitants et maires des villages alentours se sont donc rassemblés pour tenter de préserver le cabinet, qui accueille plus de 1 500 patients adultes.
"On remarque que la campagne, on l'oublie de plus en plus, se désole Dominique Garçon, une patiente, que ce soit pour le docteur ou pour les autres soins médicaux. Quand on veut un dentiste, on est obligé de faire des kilomètres. Les urgences sont surchargées parce qu'on ne sait plus où aller."
"Il a le droit de prendre sa retraite comme tout le monde, admet une autre patiente, Delphine Durtette, mais c'est déjà compliqué de trouver un médecin qui accepte de nouveaux patients."
"On serait prêt à mettre la main à la poche"
La Ferté-Chevresis se situe en zone dite de revitalisation rurale. Un jeune médecin qui s'installe peut donc bénéficier d'une exonération fiscale totale pendant cinq ans.
"Nous, on va se battre, affirme Sébastien Solari, maire de Chevresis-Monceau, avec nos petits moyens, mais on va se battre. Il ne demande pas quelque chose de compliqué. On aide les jeunes médecins à s'installer, c'est bien, mais pourquoi on n'aiderait pas les plus anciens aussi à payer moins d'impôts. Moi, je trouve que c'est légitime."
En attendant, pour tenter de convaincre un jeune médecin, les élus locaux proposent de mettre la main à la poche : "nous, le conseil municipal, déclare Franck Burton, maire de La Ferté-Chevresis, on serait prêt à mettre de l'argent pour aider le jeune docteur à commencer, en payant le loyer médical par exemple" et de reprendre : "On me dit toujours que les docteurs veulent aller là où il y a le soleil. Ça, je le comprends. Mais nous, dans le nord, le soleil, on l'a dans le cœur les 365 jours de l'année."
Une pétition en soutien au médecin a déjà récolté plus de 460 signatures. "Ce serait bien pour la commune qu'il reste encore un médecin, assure Patrick Fremeaux qui vient de reposer le stylo, car qui dit médecin dit aussi école. Les gens viennent habiter ici parce qu'il y a un médecin et des écoles. S'il n'y a plus de médecin, il n'y a plus d'écoles."
"On va faire comment ?"
Sandrine Cillier aussi s'inquiète. Infirmière à Pouilly-sur-Serre, à moins d'une dizaine de kilomètres de là, elle partage un cabinet avec deux autres collègues. Elle craint de courir à la catastrophe si le Dr Deloisy n'est pas remplacé. "Nous, on tourne sur un secteur très étendu, toutes les trois. On voit nos patients qui sont grabataires, qui sont à domicile et qui ne peuvent pas se déplacer. Quand il y a un souci, on appelle le docteur, il passe, il fait une ordonnance. Les renouvellements d'ordonnances, c'est pareil. Il va y avoir des risques pour les patients, c'est sûr. Quand un patient revient de l'hôpital, on est toujours obligé d'appeler le médecin traitant. Là, on va faire comment ? On appelle le SAMU et on le fait réhospitaliser parce qu'on n'a pas de médecin ? Ce sont les patients qui vont en pâtir, surtout ceux qui tout seuls".
Le Dr Deloisy rassure. Il va rester encore un peu. "Je veux bien faire encore un effort en espérant trouver quelqu'un, mais je ne veux pas le faire uniquement pour la gloire. J'ai envie de profiter de la vie avec mon épouse qui ne m'a pas vu beaucoup depuis 36 ans. Je disais tout à l'heure à un de mes patients, je ne pense pas que je vivrai jusqu'à 90 ans, vu le rythme un peu effréné de la vie, donc j'aimerais profiter encore de ces années avec un état de santé correct."
Avec Narjis El Asraoui / FTV