"La survie du Département est en jeu" : face à un budget intenable, le conseil départemental de l'Aisne publie une lettre ouverte

Confronté à de faibles recettes et à des dépenses de plus en plus importantes, le conseil départemental de l'Aisne a voté un budget insincère le 8 avril dernier, afin d'alerter l'État sur les ressources de telles collectivités. Dans ce but, le Département a publié une lettre ouverte.

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La santé financière du Département de l'Aisne est dans le rouge. Le 8 avril, le conseil départemental a volontairement voté un budget primitif en déséquilibre, qui prévoit une recette - pour le moment imaginaire - de 22,5 millions d'euros. La démarche, illégale, vise à alerter l'État sur les ressources dont disposent aujourd'hui ces collectivités locales. Le Département a de même publié une lettre ouverte ce 23 avril.

"On doit communiquer sur notre situation, explique Nicolas Fricoteaux, le président (UDI) de l'assemblée départementale. Concrètement, ces 22,5 millions d'euros correspondent aux moyens dont nous avons besoin pour boucler dans des conditions acceptables le budget 2024".

Besoin d'une réforme

Le conseil départemental a jusqu'au 24 juin, date de sa prochaine session, pour trouver la somme et ainsi rentrer dans les clous budgétaires. Sinon, "notre niveau de service en prendra un coup" et le Département sera mis sous tutelle du préfet. "La survie du département est en jeu", considère Nicolas Fricoteaux, ajoutant qu'un dialogue a débuté avec des responsables de l'État et du gouvernement.

On demande cette somme de 22,5 millions à l'État, mais on ne peut pas quémander ainsi chaque année. Nous avons besoin de disposer de ces moyens sur le long terme, et donc d'une réforme concernant les ressources des Départements.

Nicolas Fricoteaux

Président (UDI) du conseil départemental de l'Aisne

Les dépenses flambent...

À Laon, le souci repose sur des dépenses de plus en plus importantes liées aux allocations de solidarité (handicap, personnes dépendants, RSA), compétence que l'État a délégué en 2008 aux Départements, moyennant une compensation. Or, "aujourd'hui, entre ce que nous verse l'État et ce que nous coûtent vraiment ces allocations, il nous manque 94 millions d'euros", souligne Nicolas Fricoteaux.

Le conseil départemental a pourtant réalisé des économies depuis trois ans, mais celles-ci sont notamment rattrapées par la revalorisation de 4,6% des allocations de solidarités cette année - cela représente 5 millions supplémentaires pour le Département de l'Aisne à verser au même nombre de bénéficiaires - ou encore par la hausse des dépenses liées à la protection de l'enfance "depuis plusieurs années".

"71% de notre budget est alloué au social, alors que c'est plutôt 60% au national, rappelle Nicolas Fricoteaux. Nous sommes dans un département avec un milieu social dégradé : le chômage y est bien au-dessus de la moyenne nationale (10,6 contre 7,5%), idem pour le nombre de mineurs pris en charge par la protection de l'enfance (0,45 contre 0,30%₀). Ce qui veut dire que nous avons encore plus besoin d'action publique !"

Et les recettes fondent

En plus de ces importantes dépenses sociales, des territoires comme l'Aisne, les Ardennes, la Meuse, la Nièvre, la Haute-Marne ou l'Allier, doivent jongler avec de faibles recettes : leurs marchés immobiliers peu dynamiques fait diminuer les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), une source de revenus non négligeable pour les Départements.

Au contraire, la Haute-Savoie ou les Hauts-de-Seine sont des départements où les DMTO représentent plus d'un tiers des recettes de fonctionnements de l'assemblée départementale, voir près de la moitié pour les Alpes-Maritimes. "Ces environnements attractifs avec un fort droit de mutation, ce sont paradoxalement aussi ceux qui ont moins d'aides sociales à verser, soupire Nicolas Fricoteaux, qui attend une réforme de fond. Les ressources des collectivités doivent être ajustées, elles devraient être redistribuées de façon inversement proportionnelle."

C'est la première fois que l'Aisne vote un budget insincère. L'action avait déjà été entreprise par la Seine-Saint-Denis en 2010 et le Lot-et-Garonne en 2017, toujours pour alerter les services de l'État.

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