Jean-Claude Terlet, exploitant agricole à la retraite basé à Celles-sur-Aisne, près de Soissons, mène un combat de longue date contre l’entreprise américaine Monsanto depuis six ans. Il tente de faire reconnaître le lien entre son cancer de la prostate, déclaré en 2015, et l’utilisation de glyphosate sur ses terres.
Un combat entamé il y a six ans. Depuis 2018, Jean-Claude Terlet a déclaré la guerre à l'entreprise Monsanto, aujourd'hui rachetée par le groupe Bayer, qu'il considère comme responsable de son cancer de la prostate. En cause, l'utilisation pendant 40 ans du produit Roundup, 700 litres au total durant cette période, afin de désherber les abords de ses serres et de ses champs.
"Je me bats pour quelque chose. Avoir un cancer et ne plus avoir de prostate, [avec] toutes les gênes qu'on subit chaque jour, y compris la vie privée... C'est important de demander réparation", dit-il.
Depuis six ans, il mène donc une bataille judiciaire de longue haleine pour constituer un épais dossier, appuyé par des experts médicaux. De nombreuses analyses attestent d'une quantité importante de glyphosate dans les urines et dans les cheveux de l'agriculteur. Une lutte menée de front avec son avocat, maître Emmanuel Ludot.
Un procès avec une résonance politique
Ce dernier espère un procès pour le printemps prochain. Outre l'aspect juridique, sur lequel il dit être "relativement serein", l'avocat de Monsieur Terlet expose également l'aspect politique de cette affaire. "On est dans une culture qui est plus prudente. Et je reste timoré dans mon vocabulaire. Il faut oser.", estime-t-il.
"M. Terlet est quasiment le seul agriculteur européen à mener ce combat de taille. C'est la raison pour laquelle c'est un enjeu très important pour Bayer qui ne peut pas se permettre de perdre ce procès."
Me Emmanuel Ludot, avocat de Jean-Claude Terlet
Jean-Claude Terlet estime que "d'autres agriculteurs sont touchés. Ils ne le savent pas parce qu'ils ne se préoccupent pas de leur santé, très certainement. Je suis certain que beaucoup d'agriculteurs sont atteints."
Le glyphosate est un sujet tabou dans le milieu agricole. "Tout simplement parce qu'on ne veut pas en parler", rapporte l'agriculteur. "On sait que c'est dangereux, mais personne ne veut en parler. À la limite, on accepterait d'être malade. Il y a des gens qui m'ont reproché en disant : 's'il savait que c’était dangereux, il n'avait pas besoin de l’utiliser.' C'est tellement facile", répond-il.
L'agriculteur demande 1 million d'euros
Son combat, il ne veut pas en faire un message, "car je suis quasiment certain que je ne serais pas suivi". Mais face à la longueur des procédures, l'agriculteur à la retraite, qui continue de tenir un stand sur le marché de Soissons, reste déterminé pour obtenir réparation. Il demande 1 million d'euros. "Je serai peut-être mort avant la fin de ce procès, on verra bien. C'est vrai qu'on se bat contre un géant."
Me Emmanuel Ludot affirme qu'il a un "très bon dossier" et souligne l'importance d'avoir "un client combatif et qui n'a pas envie de baisser les bras à la première difficulté."
Le 16 novembre dernier, l'Union européenne a renouvelé l'autorisation d'utilisation du glyphosate sur son territoire pour les dix prochaines années. Sollicitée par téléphone, l’entreprise Bayer n'a pas donné suite à notre demande d'interview.
Avec Julien Guéry / FTV