Témoignages. Glyphosate et renouvellement de son autorisation jusqu'en 2033 : deux agriculteurs pour ou contre et deux méthodes opposées

Publié le Écrit par Thibault Azoulay et Claire-Marine Selles
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Alors que la Commission Européenne propose de prolonger l'autorisation du glyphosate jusqu'en 2033, deux agriculteurs racontent leur expérience avec cet herbicide dont la toxcicité fait débat. L'un l'utilise, l'autre pas : tous deux affirment néanmoins faire le maximum pour protéger l'environnement.

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Le glyphosate est l'herbicide le plus utilisé dans le monde. En France en 2021, plus de 7 700 tonnes de glyphosate ont été répandues dans les champs.

Son autorisation d'utilisation arrivant à échéance en décembre 2023, la Commission Européenne se penchait vendredi 22 septembre sur son éventuelle prolongation pour 10 ans. Le vote final aura lieu le 13 octobre prochain.

En attendant cette date, deux agriculteurs de la Somme partagent leur expérience. Le premier l'utilise pour éviter le labour mécanique, le deuxième l'a abandonné avec inquiétude lors de sa conversion en agriculture biologique mais ne regrette pas son choix. 

Un labour chimique plutôt qu'un labour mécanique 

À Candas, au nord d'Amiens, Bernard Mercier est un agriculteur qui travaille en technique de conservation des sols. Il plante pour cela des couverts végétaux entre deux périodes de production, afin que sa terre reste meuble grâce aux racines des plantes. Cela permet également d'économiser l'eau et de limiter l'érosion, les végétaux de couverture facilitant l'infiltration des pluies dans le sol. 

Avant de réaliser ses semis de culture, il pulvérise donc du glyphosate sur ce couvert : les plantes sont éliminées jusqu'à la racine, sans nécessiter un labour mécanique qui, d'après lui, perturberait bien plus la vie du sol. 

On ne travaille plus nos terres, si nous n'avions plus le glyphosate, nous devrions retravailler le sol.

Bernard Mercier, agriculteur conventionnel

"Si nous n'avions plus le glyphosate, pour nous, ce serait une très grosse remise en cause, résume Bernard Mercier. On ne travaille plus nos terres, si nous n'avions plus le glyphosate, nous devrions retravailler le sol. Ce serait un gros changement, en retravaillant les sols, nous allons perturber à nouveau la vie du sol, par exemple les galeries de vers de terre. Avec les printemps chauds nous aurions de l'évaporation, l'hiver, des problèmes de ruissellement avec les grosses pluviométries."

Il considère que la meilleure solution est donc un usage raisonné du glyphosate. "Nous pourrions utiliser d'autres substances, ajoute-t-il, mais nous traiterions plus et cela coûterait plus cher. Un autre avantage est que le glyphosate est total, il détruit aussi bien les vivaces que les graminées, dont les racines peuvent être très profondes."

Bernard Mercier est ainsi favorable à une prolongation de l'autorisation du glyphosate pour dix ans, cette durée lui permettant d'anticiper pour faire évoluer son exploitation. "Nous allons chercher à nous adapter pour limiter le glyphosate, conclut Bernard Mercier, je pense que des sociétés vont trouver une alternative". 

"Mon glyphosate, ce sont mes pâtures pendant trois ans

Gonzague Proot a converti son exploitation d'Herleville en agriculture biologique il y a 13 ans. "Avant, j'étais en conventionnel, j'utilisais du glyphosate, se remémore-t-il. Quand je suis passé du conventionnel au bio, j'avais beaucoup d'appréhension car il y a des mauvaises herbes très difficiles à détruire sans glyphosate. Mais je me suis rendu compte que ces plantes-là disparaissent au fur et à mesure de la conversion. D'un côté, vous avez une agriculture conventionnelle qui nourrit ces mauvaises plantes, de l'autre, une agriculture biologique qui essaie de nourrir la planète."

D'un côté, vous avez une agriculture conventionnelle qui nourrit ces mauvaises plantes, de l'autre, une agriculture biologique qui essaie de nourrir la planète.

Gonzague Proot, agriculteur bio

Pour lui, sortir du glyphosate est possible grâce à une adaptation du mode de production. "Sur l'exploitation, j'ai réintégré l'élevage, détaille-t-il. Mon glyphosate, ce sont mes pâtures pendant trois ans. Cela permet d'éliminer toutes ces vivaces difficiles à détruire comme le chiendent, la pâture est extraordinaire pour cela."

Gonzague Proot regrette cependant que l'agriculture biologique ne soit pas mieux valorisée. "C'est une catastrophe et c'est très étonnant, car nous préservons les nappes phréatiques, la planète, mais j'ai l'impression que les consommateurs ont peur du bio, se désole l'agriculteur. C'est compliqué car nous n'avons pas de vision, même à un ou deux ans, nous ne savons pas où nous allons. Le prix du blé bio va être au prix du conventionnel alors qu'il devrait être le double. J'ai beaucoup de collègues qui se posent des questions, d'autres déconvertissent, mais je ne ferai pas marche arrière car je suis persuadé que je suis dans la bonne voie."

Une substance sous surveillance 

Si la Commission Européenne décide de prolonger l'autorisation d'utilisation du glyphosate, son usage devra s'accompagner de "mesures d'atténuation des risques", c’est-à-dire de bandes non cultivées jouxtant les champs où la substance est utilisée. La substance a été classée comme "cancérogène probable" par l'Organisation mondiale de la santé en 2015.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu un avis positif à la prolongation de son autorisation durant l'été 2023, mais aussi souligné le manque de données qui permettraient de trancher la question de sa toxicité. L'EFSA reconnaît cependant un risque de l'exposition prolongée à la substance pour les mammifères.

En France, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a publié en 2021 une synthèse de plus de 5000 études sur la question des pesticides, qui souligne également un possible lien entre le glyphosate et certains cancers. Si le glyphosate continue à être autorisé jusqu'en 2033, la Commission Européenne incite les États à faire preuve de vigilance. 

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