"Les oiseaux qui arrivent ici ne sont pas en très grande forme" : dans les coulisses d'un centre de sauvegarde de la faune sauvage

Un animal sauvage blessé ne peut pas être soigné n'importe comment. Si l'on veut qu'il puisse réintégrer son milieu sauvage une fois rétabli, il vaut mieux le remettre aux bons soins des centres de sauvegarde de la faune sauvage. Il n'y en a qu'une trentaine en France, dont un dans l'Aisne, à Saint-Quentin.

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C’est un endroit tapi au fond du parc de l'Isle à Saint-Quentin. Juste à côté de la réserve naturelle des marais du même nom. Un endroit avec de vastes volières et de grandes cages où des oiseaux blessés reprennent du poil de la bête. Avant de repartir là où le vent les portera. Le centre de sauvegarde de la faune sauvage de l'Isle fait partie de la trentaine de centres de soins pour animaux sauvages de France.

Ouvert dans les années 80, sa spécialité, ce sont les oiseaux. Amenés blessés par des particuliers, la Police de l’environnement ou encore l’Office français de la biodiversité. Chaque année, plusieurs centaines de volatiles y sont soignées puis relâchées dans leur milieu naturel. Hirondelles, pigeons ramiers, tourterelles, moineaux, mais aussi faucons crécerelle, cigognes et chouettes hulottes. Tout ce qui a des plumes et des ailes est ici remis sur pattes.

Des oiseaux tombés du nid

Simon Fontvieille est soigneur animalier au centre de sauvegarde. Chaque matin, il fait le tour des caisses dans lesquelles sont douillettement installés les pensionnaires de petite taille. Il faut les nourrir et refaire les litières. Et en cette fin d’été, il y a pléthore de patients : plus de la moitié sont des oisillons tombés du nid. C’est le cas de ces deux petits martinets qui piaillent très fort.

Si les adultes de cette espèce courante en Picardie ont entamé depuis longtemps leur migration vers le sud, les individus nés des dernières portées estivales sont souvent plus fragiles. "On leur donne des teignes de ruches. C’est une sorte de papillon de nuit. Ce sont des larves un peu plus riches que celles du ver de farine que l’on peut trouver en magasin de pêche, explique Simon, approchant une larve du bec de l’oiseau. On va les élever jusqu’à ce qu’ils soient assez grands pour l’envol. Selon l’âge, le nourrissage va se faire soit toutes les deux heures pour les plus jeunes, soit deux ou trois fois par jour pour ceux qui sont un peu plus grands. Il faut qu’ils soient prêts pour mi-septembre pour leur migration."

On a des oiseaux qui sont en très mauvais état et qui s’en sortent. A contrario, on en a parfois qui à première vue n’ont rien, dont on se dit qu’ils vont être très rapidement relâchés et au final, non.

Silmon Fontvieille, soigneur - Centre de sauvegarde du parc de l'Isle

Si le martinet est l’un des oiseaux le plus fréquemment soignés au centre de sauvegarde, il arrive que des espèces moins communes aient besoin d’aide. Depuis quelques semaines est accueilli un guêpier d’Europe, un oiseau rare dans notre région. Une grande première pour Simon. Si on trouve quelques individus sur les côtes normandes et dans le sud de l’Aisne, "c’est un oiseau qui niche plutôt dans le Massif central et la zone méditerranéenne", précise-t-il. Une arrivée d’autant plus inédite que le pensionnaire est un jeune, comme en témoignent les plumes vertes de son poitrail, qui sont bleues chez l’adulte.

"C’est un individu qui a une fracture au niveau du radius/cubitus. Chez nous, c’est l’avant-bras. La fracture est assez nette. Donc il a un bandage qui permet juste de tenir le membre le temps que ça se reconsolide, nous montre Simon. Il n’est pas en super forme : il lui manque un quart de son poids, ce qui est quand même assez important. Dans la nature, c’est un oiseau qui se nourrit de guêpes, d’abeilles, de divers insectes volants. Mais lui, il ne se nourrit pas tout seul." Alors pour l’alimenter, Simon est obligé d’utiliser une seringue et une sonde pour glisser dans son jabot un mélange d’eau et d’insectes écrasés.

A-t-il des chances de se rétablir et d’être relâché ? "Je suis très mitigé sur sa remise en forme, avoue le soigneur. Vu son manque de poids, ça va être compliqué. Mais des fois, on a des oiseaux qui sont en très mauvais état et qui s’en sortent. A contrario, on en a parfois qui à première vue n’ont rien, dont on se dit qu’ils vont être très rapidement relâchés et au final, non. C’est toujours très compliqué d’émettre un pronostic."

Soigner pour relâcher

S’il survit, le jeune guêpier d’Europe fera partie des 33% d’oiseaux accueillis au centre de soins et qui ont pu être relâchés. 33%, c’est la moyenne nationale. Et c’est peu, mais à la fois beaucoup selon Sandrine Lemaire, compte tenu des conditions dans lesquels les animaux arrivent : "tous les oiseaux qui arrivent ici ne sont pas en très grande forme, explique la responsable du parc animalier de l'Isle. Hormis les juvéniles sur lesquels on a un bon taux de réussite, les oiseaux adultes qui arrivent ici ont déjà soit des fractures très graves soit ont été prédatés ou trouvés et gardés par des particuliers qui ne sont pas soigneurs animaliers et qui n’ont pas forcément les bons gestes. Donc on se retrouve avec des oiseaux carencés pour lesquels il est souvent trop tard. Et quand on décompte tous les oiseaux qui meurent dans les 24 premières heures, on est à un peu plus de 33% de relâcher."

Relâcher les animaux, c’est l’objectif de toute prise en charge. Car la vocation d’un centre de soin n’est pas de garder les individus qu’il recueille et qu’il soigne. "Ça ne nous est arrivé qu’une seule fois : on a placé un hibou grand-duc dans un parc animalier qui en avait déjà, se souvient Sandrine Lemaire. Mais c’est parce que c’est un oiseau assez rare."

Rare comme le butor étoilé dans la volière duquel Simon entre avec précaution. Cette espèce emblématique des zones humides était en fort déclin à la fin du XXe siècle au point que les populations ont baissé de 40% entre 1970 et 2000. En France, en 2000, il n’y en avait plus que 300 mâles. Aujourd’hui, si les effectifs ont un peu remonté, il ne resterait en Europe que 45 000 couples de cette espèce emblématique des zones humides, la plupart en Europe de l’Est.

Alors, l’équipe du centre de sauvegarde de l'Isle est très attentive à la convalescence de l’individu qui est tapi dans un coin de la volière. Le cou ramené sur lui-même, ce cousin du héron est prêt à le déplier pour se défendre. Ce sont les pompiers qui l’ont amené au centre de sauvegarde. Il avait été trouvé entre Moreuil et Montdidier, couvert de parasites et très maigre."Il est descendu très bas en poids, souligne Simon. Jusqu’à 630 g. Alors que normalement, ce sont des animaux qui pèsent au minimum 900 g voire un kilo. L’objectif, c’est qu’il soit entre 750 g et 850 g et que ce soit stable." Et c’est le cas depuis une dizaine de jours. L’oiseau mange désormais seul les poissons qu’on lui apporte. Une bonne nouvelle sachant qu’à son arrivée, il avait fallu le nourrir à la main et le gaver.

Préserver l'instinct sauvage de l'animal

La cigogne de la volière voisine doit elle aussi être gavée. Les trois premiers jours de son arrivée, elle n’a rien avalé. Il faut dire qu’elle était en piteux état.

"C’est un oiseau qui a un bel hématome au niveau de la hanche droite, indique Simon. Et un trauma crânien assez important. Il avait du sang dans le bec et dans les narines. Il est arrivé dans un état de faiblesse assez intense. Il n’était pas capable de se lever. Il y avait ces écoulements de sang qui étaient très inquiétants. Mais au final, il est debout. Il boite encore un peu et il ne mange pas encore tout seul. Donc on va l’aider en le gavant. Le but, c’est de mettre la proie au fond de la gorge et de la faire descendre tranquillement. Ce que je fais toujours, c’est de mettre la proie juste au fond de la bouche sans aller trop loin pour voir si elle déglutit par elle-même. Au bout d’un moment, c’est ce qui se passe."

La seule manipulation, c’est attraper, nourrir, relâcher.

Simon Fontvieille, soigneur - Centre de sauvegarde du parc de l'Isle

Simon lui donnera les deux tiers de sa ration alimentaire à la main et laissera le tiers restant à la disposition de l’oiseau pour l’inciter doucement à se nourrir seul à nouveau.

Car l’animal ne doit en aucun cas s’habituer à l’Homme. Éviter l’imprégnation, c’est la condition sine qua non pour que l’oiseau, quelle que soit l’espèce, "garde son instinct le plus sauvage possible. Donc la seule manipulation, c’est attraper, nourrir, relâcher. Rien de plus. Pareil avec les oiseaux qui ont un bandage. Avec les adultes, c’est rare qu’il y ait imprégnation. Il y a plus de risques avec les juvéniles. On reste vigilant".

Rester sauvage, c’est ce qui permet à ces oiseaux abîmés de réintégrer leur milieu naturel. Alors si vous en croisez un au bord d’une route ou au gré d’une promenade, voici quelques conseils à suivre pour leur sauver la vie : "si l’oiseau n’est pas en danger immédiat, on le laisse tranquille et on ne le ramasse pas, assène Sandrine Lemaire. S’il y a un danger imminent ou si l’oiseau est vraiment blessé, prenez des précautions. Mettez des gants dans la mesure du possible si vous en avez. Protégez-vous des coups de serres lorsque c’est un rapace ou des coups de bec si c’est une cigogne ou un héron. Mettez-le dans un carton, au calme, et amenez-le très très vite dans un centre de soins. Ne vous improvisez pas soigneur. Et surtout, ne donnez pas de pain à manger à un oiseau. Jamais."

Avec Narjis El Asraoui / FTV

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