Scandale Orpéa : comment sont financés et contrôlés les Ehpad privés

La parution du livre Les fossoyeurs du journaliste Victor Castanet a mis en lumière les dérives du groupe Orpéa, l'un des leaders mondiaux de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées en Ehpad. Des établissements dont le financement est complexe et les contrôles peu nombreux.

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Depuis sa parution, le livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet fait vaciller Orpéa, le mastodonte de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Créé en 1989 par un neuropsychiatre français, le Dr Jean-Claude Marian, le groupe emploie aujourd'hui 54 000 salariés à travers le monde. Coté en bourse depuis 2002, son chiffre d'affaires s'établissait à 3,42 milliards d'euros en 2018.

18 établissements dans les Hauts-de-France

Le groupe est présent dans 23 pays dans le monde : Belgique, Pologne, Italie mais aussi République Tchèque, Brésil et Chine. Il compte aujourd’hui 354 établissements en France, dont 222 Ehpad et 19 974 lits médicalisés, et 950 dans le monde pour un parc total de 96 577 lits. Plus de 250 000 clients et patients sont pris en charge dans les Ehpad et les résidences pour seniors Orpea.

Dans les Hauts-de-France, on compte 18 Ehpad Orpea : 

  • 8 dans l'Aisne;
  • 4 dans le Nord; 
  • 3 dans l'Oise; 
  • 2 dans le Pas-de-Calais
  • et 1 dans la Somme.

Dans l'Aisne, Orpéa représente 12,5% de la totalité des places d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes avec 759 lits. Le département compte au total 61 Ehpad, publics et privés, et un parc de 5 905 places. 

De l'argent public même pour les Ehpad privés

Les Ehpad (Établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes) sont financés par les résidents eux-mêmes. Du moins le croit-on. Mais seulement en partie. Car les établissements privés d'hébergement des personnes âgées dépendantes sont également financés par l'État via les Agences régionales de santé (ARS) pour tout ce qui a trait aux soins. Et par les collectivités territoriales, notamment les conseils départementaux.

Car la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, plus précisément l'aide à l'autonomie, est l'une des compétences des Départements. C'est le Département qui fixe le "tarif (ou forfait) dépendance". Son montant est donc différent d'un département à l'autre. Il est calculé en fonction du degré de dépendance du bénéficiaire, appelé le GIR (Groupe iso-ressources). Les personnes âgées évaluées en GIR 1 et 2 ont un degré élevé de perte d'autonomie. Celles en GIR 3 ou 4 ont un degré moyen. Le dernier groupe, les GIR 5 et 6, désigne des personnes âgées qui sont peu dépendantes.

Ce forfait dépendance est facturé aux résidents. Pour alléger la facture, le Département verse aux personnes âgées dépendantes l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA). L'APA sert par exemple à payer les psychologues, les aides-soignants, les aides aux déplacements ou les aides dites hôtelières. Les personnes GIR 1,2,3 ou 4 peuvent bénéficier de l'APA.

Il y a deux APA différentes :

  • l'APA à domicile qui aide à payer les dépenses nécessaires pour rester vivre à domicile malgré la perte d’autonomie;
  • l'APA en établissement qui aide à payer une partie du forfait dépendance en Ehpad public comme privé

Pour 2022, l'enveloppe globale dépendance accordée par le Département de l'Aisne aux Ehpad de son territoire est 18 167 239 euros. Le groupe va toucher 1 847 238 euros, soit 10% du budget dépendance en hébergement du Département.

90 inspections en 4 ans 

La région Hauts-de-France compte 568 Ehpad. Selon le Code de l’action sociale et des familles, ils peuvent faire l’objet de contrôles ou d'inspections par la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), le conseil départemental et l’ARS. Les inspections de la DGCCRF portent sur les contrats et la tarification.

Le Conseil départemental peut également effectuer des contrôles. "Des inspections sont possibles sur des événements indésirables comme des fugues, des tentatives de suicide ou une déficience de sécurité, nous explique-t-on au Conseil départemental de l'Aisne. On peut également faire des visites pour vérifier la conformité des équipements en vue de l’agrément de l’établissement. On peut aussi contrôler le respect des droits des usagers, la bonne mise en place d'animations et liens sociaux".

Les problématiques liées aux soins relèvent de l’ARS. Certains de ces contrôles se font suite à des signalements. Depuis 2018, l'ARS Hauts-de-France a reçu 1 230 signalements concernant des Ehpad de la région. Sur la même période, l'ARS a mené 90 inspections suite à un signalement ou à une autosaisine, principalement concernant des situations de maltraitance ou de prise en charge médicamenteuse.

"Les établissements publics et privés sont contrôlés de la même façon, nous indique l'ARS Hauts-de-France. Les inspections pour suspicion de maltraitance sont toujours inopinées et la lettre d’annonce de l’inspection est remise en main propre au directeur le jour de l’inspection. L’établissement n’est donc pas prévenu préalablement à l’inspection. Les inspections sur la prise en charge médicamenteuse peuvent être annoncées. (...) Une fois l'inspection terminée, l'ARS effectue un suivi des éventuelles mesures correctives à mettre en œuvre, et si besoin une visite de suivi d’inspection. De plus, l’établissement peut être convoqué par l'ARS en "commission des suites d’inspection" pour réaliser un point d’avancement sur la mise en œuvre des préconisations d’inspection, à distance de l’inspection. Il arrive aussi que des suites pénales soient données à l’issue des inspections.​"  

Combien parmi ces 90 inspections en 4 ans ont concerné les Ehpad 18 Orpéa des Hauts-de-France ? La question, bien que posée, attend toujours une réponse.

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