Témoignage. "Quand ça nous tombe dessus, c'est un peu un tsunami" : la maladie d'Alzheimer touche aussi le quotidien des proches aidants

Publié le Écrit par Anas Daif

Comme des milliers d'aidants en France, Monique Sarazin a été prise de court quand la maladie d'Alzheimer s'est déclarée chez son époux et diagnostiquée en 2022. Depuis, elle doit quotidiennement s'occuper de lui. Une situation difficilement vivable par moments.

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La maladie d'Alzheimer arrive progressivement et les premiers signes sont rapidement visibles : désorientation, discours incohérents, oublis répétés, troubles du comportement... "Au début, on s'est aperçu que quelque chose n'allait pas, parce que parfois, mon mari était incohérent, ou du moins, il y avait des ralentissements, des réflexions, des choses qui ne correspondaient pas, c'est peut-être ça qui m'a mis la puce à l'oreille", décrit Monique Sarazin.

Le diagnostic de son mari, James, a été effectué en 2022. Le médecin leur a révélé que l'homme avait également des traumatismes cérébraux, dus à l'exercice de son métier de journaliste reporter de guerre. Il y a quelques décennies, il a été pris pour un espion et a frôlé la mort. Il s'est retrouvé debout, au côté d'autres personnes, le long d'un mur, lors d'un peloton d'exécution : "c'est une bonne sœur qui est sortie d'une petite porte et qui l'a sauvé, ce sont des traumatismes importants".

Seule face à la maladie

Cette maladie est-elle pour autant subie à deux ? Pas si sûr, pour Monique qui a le sentiment de la vivre seule puisque son mari ne semble pas s'en rendre compte. "Vous sentez des choses, vous les entendez... Je guette la moindre parole en me disant, pourvu que ça ne soit pas à côté. Je voulais qu'il reste intègre, alors c'est fatigant puisqu'on est tout le temps aux abois". Cette situation ne la met pas tant en colère, c'est plutôt de la tristesse qu'elle ressent face à un homme qu'elle qualifie de très cultivé, instruit et qui perd ses capacités cognitives. Mais cette culture est la raison pour laquelle "il lui reste quand même beaucoup de choses, mais je trouve que c'est du gâchis. C'est tout un savoir, toute une science qui part en poussière, et la poussière vous ne la recollez pas", regrette-t-elle.

Je vais le prendre par la main, il faut que je l'emmène à la salle de bains ou aux toilettes qu'il ne trouve plus, il va descendre au sous-sol ou alors il va à l'étage.

Monique, aidante

Monique doit également supporter une lourde charge mentale. Par exemple, le soir, lorsqu'elle demande à James de mettre son pyjama à 18 heures, "ça peut se terminer à 20 heures, 21 heures, parce qu'il va, il vient, il repart. Il ne se retrouve pas, il est un peu fatigué le soir, donc peut-être que ça en rajoute". Souvent, elle retrouve beaucoup d'objets désordonnés ou rangés au mauvais endroit, comme le dentifrice et la brosse à dents qui se trouvent avec des livres ou dans le réfrigérateur : "je passe beaucoup de temps dans la journée à chercher".

Face à cette situation, Monique se dit épuisée, jusqu'à s'être même "offert le luxe" de quelques burn-out, sans sortir du lit pendant 24 à 36 heures. Elle en a d'ailleurs fait un la semaine dernière. "Je suis fatiguée, je vais le prendre par la main, il faut que je l'emmène à la salle de bains ou aux toilettes qu'il ne trouve plus, il va descendre au sous-sol ou alors il va à l'étage".

"On a peur de ce qui est différent"

Le fait d'avoir un proche malade, "ça fait un peu le vide, mais c'est normal parce qu'on a peur de ce qui est différent et je comprends très bien", observe Monique. Elle a même reçu un petit mot de sa nièce qui lui dit ne pas oser venir. Ce à quoi elle a répondu : "ne t'inquiète pas, j'ai été comme toi, quand on se retrouve face à des maladies incurables importantes, on ne sait pas quoi faire, comment se conduire, on a envie, mais on n'ose pas".

C'est pourquoi Monique a mis un point d'honneur à mettre les choses au clair avec leur famille : "je leur ai dit, James ça ne va pas, il a Alzheimer, des traumatismes cérébraux, ce n'est pas une maladie honteuse, donc je vous le dis pour que vous le compreniez et que vous ne le mettiez pas à l'écart".

Face à toutes ces responsabilités, elle souhaiterait avoir des séances chez un psychologue. En attendant, elle lit de nombreux articles et se documente sur la maladie pour mieux la comprendre. "En ce moment, je suis en train de lire un livre sur le cerveau et ses fonctions, j'apprends plein de choses" afin de "savoir comment faire pour tout adoucir" car "quand on comprend les choses, on accepte". Surtout qu'au départ, quand le diagnostic a été établi, il lui a fallu du temps pour le faire : "c'est un peu un tsunami, il faut le temps d'accepter, j'ai été dans le déni pendant longtemps"

Rompre l'isolement

Pour aider des personnes comme Monique Sarrazin à rompre l'isolement, des associations et structures existent. L'aidante cite l'accueil de jour à Villiers-Saint-Denis dans l'Aisne, mais aussi "la suppléance", qui permet de ne pas laisser le proche malade seul "trois ou six heures d'affilée" pour permettre à celui ou celle qui l'aide de "faire des choses qu'on ne peut pas faire autrement". Elle cite aussi "l'auxiliaire de vie qui peut aider pour la toilette, et vous avez aussi une aide ménagère". En cas de crise, Monique peut avoir recours à l'hospitalisation, "mais je vous avouerai sincèrement que je n'y tiens pas parce que l'univers n'est pas le même".

Des associations existent aussi. Elles offrent souvent, une fois par mois, un espace d'échange entre proches aidants. C'est le cas d'Alzheimer Sud-Aisne qui existe depuis cinq ans à Nogent-l'Artaud. À travers des cafés rencontre, les aidants se retrouvent pour se donner des conseils, des renseignements et partager leurs expériences. "Souvent, je reçois des appels qui me demandent où ils peuvent nous trouver pour parler, échanger de leurs difficultés du quotidien au domicile", explique Edith Delannoy.

Elle regrette que les informations sur la maladie ou sur les aides qui existent ne circulent pas plus facilement. "Les gens, quand ils ont besoin d'un conseil, c'est à la dernière minute qu'ils viennent, quand ils sont désemparés, quand ils n'en peuvent plus, qu'ils sont épuisés". L'isolement des proches aidants explique aussi ce comportement. Dans tous les cas, cette ancienne infirmière de profession qui a exercé à Villers-Saint-Denis propose des rendez-vous. Elle et les bénévoles organisent également une permanence par mois "où je convie les personnes à venir me rencontrer et on essaie de voir ensemble ce qu'il est possible de faire, où et comment les accompagner", indique-t-elle.

En France, d'après Edith Delannoy, la moitié des "1,3 million de malades" n'est pas encore diagnostiquée, "ce qui représente quand même 65% de malades". C'est ce qui l'a poussée à lancer la "semaine verte", qui se tient cette semaine, en collaboration avec la ville de Château Thierry. Au programme : 25 stands de professionnels de santé présents pour aviser, renseigner et écouter les visiteurs. Un coup de projecteur bien nécessaire pour mettre en lumière les zones d'ombre de cette maladie.

Avec Rémi Vivenot / FTV

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