Un baldaquin du 17e siècle, retrouvé par hasard 100 ans plus tard : "c'est émouvant de se dire que cette pièce a survécu à deux guerres"

Un baldaquin a été retrouvé par hasard par un peintre en décor d'Œuilly, dans l'Aisne. C'est grâce à plusieurs mois de recherches minutieuses qu'il a réussi à retrouver le lieu d'origine, à une dizaine de kilomètres de son village.

C'est une découverte comme on n'en voit pas tous les jours. Un baldaquin perdu a été retrouvé près d'un siècle plus tard par hasard à Œuilly dans l'Aisne. Tout a débuté avec l'appel d'une dame : "elle avait ce baldaquin chez elle, elle ignorait que c'en était un. Elle pensait que c'était une chaire à prêcher et m'a demandé de venir le voir car elle voulait le donner à l'église d'Œuilly", explique Hugues Losfeld, peintre en décor et président de l'association Notre-Dame d'Œuilly pour restaurer le lieu de culte du village.

En arrivant sur place, Hugues Losfeld se rend compte qu'il ne s'agit pas d'une chaire à prêcher. "Ça n'en avait pas la forme. Il y avait de grands morceaux de drapés sculptés en bois, ce qu'on ne retrouve pas du tout sur les chaires. Il y avait aussi une frise sculptée typique du XVIIe siècle avec une très belle qualité de sculpture. Je me suis dit qu'il fallait vraiment s'intéresser à cette pièce", détaille l'artisan d'art, également membre de la commission d'art sacré, qui aide l'évêque à la restauration des églises et du patrimoine religieux.

Des recherches sur plusieurs mois

Lui et son ami sculpteur sur bois, Jérôme Watier, appelé à l'aide pour identifier son époque exacte, passent une demi-journée à reconstituer les morceaux de ce baldaquin. "C'était un vrai puzzle de voir quelles pièces allaient à quel endroit, dans quel sens. Ce qui est incroyable, c'est qu'on avait toutes les pièces, il n'en manquait pas une seule, à part les deux anges sur les côtés". L'objet est entièrement en chêne sculpté. "Il est peint, constitué d'un dôme supérieur et de deux draperies situées de part et d'autre qui retombent à la verticale et c'est sur ces parties verticales qu'est sculpté le blason", détaille Hugues Losfeld.

Passionné d'histoire et d'archives, il décide de mener l'enquête pour retrouver l'origine de ce baldaquin. "Comme il y avait un blason, je me suis dit qu'on allait pouvoir identifier une personne, une ville, je ne savais pas trop". Mais à force de recherches et de découvertes, il a pu resituer l'endroit exact. 

Mais quelles ont été les étapes pour retrouver le lieu d'origine ? "Il faut déchiffrer le blason, savoir l'analyser", avance Hugues Losfeld. D'abord, ce blason avait été repeint. Il a donc fallu étudier les différentes couches de peinture pour retrouver l'originale. Une fois qu'il avait les formes, "qu'on appelle les meubles", il s'est intéressé aux éléments d'héraldique. "Comme l'héraldique est une science très codifiée, j'ai pu retrouver un des deux blasons, il s'agissait de la famille Colbert, très connue dans la région", poursuit-il. 

Pour retrouver le deuxième blason, qui correspondait au père, il a dû s'intéresser à la généalogie de la famille Colbert : "j'ai regardé tous les hommes qui ont épousé une fille Colbert et quels étaient leur blason. Je suis retombé sur ce blason de la famille Chertemps". Le couple Chertemps-Colbert avait 12 enfants, 3 à 4 d'entre eux étaient religieux et Hugues Losfeld a étudié leur vie. L'un d'eux était prieur, et sur le blason, "on retrouvait un bâton de prieur. Donc je me suis dit que c'était possible, vu qu'il était prieur à Vailly-sur-Aisne", raconte l'artisan d'art.

"Ce baldaquin appartient vraiment à Vailly-sur-Aisne"

Il a ensuite consulté d'anciennes cartes postales et a retrouvé le baldaquin complètement monté sur une photo. "Il était à Vailly-sur-Aisne, aux mêmes dimensions. C'était avant la guerre de 1914-1918. Tout était cohérent, le puzzle était complet. J'ai mis plusieurs mois avant de tout identifier". La dernière photo de ce baldaquin disparu date de l'entre-deux-guerres et de la reconstruction de l'église de Vailly-sur-Aisne, complètement éventrée après le passage des Allemands. "C'est assez émouvant de se dire que cette pièce a survécu à une Première Guerre mondiale puis à une seconde, et nous, on est simplement là pour passer le relais et le remettre à sa place", se réjouit Hugues Losfeld.

Où était-il pendant près d'un siècle ? Le mystère reste entier et l'artisan en art ne peut émettre que des hypothèses. "Je pense que pendant les travaux, la personne qui devait le restaurer est décédée et il a dû être perdu, suppose-t-il. On ne sait pas vraiment ce qui s'est passé".

L'avenir de ce baldaquin miraculé est désormais presque tracé. "Il ne nous appartient pas, il appartient vraiment à Vailly-sur-Aisne, l'idée est de le restituer", soit aux Monuments historiques, soit à l'église d'origine. "Je le prends vraiment comme une mission d'aider à ce qu'il soit remis en place et d'aider la mairie ou les Monuments historiques à retrouver sa place, qu'il soit reconstitué, parce que c'est vraiment rare d'avoir une pièce pareille qui a été déposée", et dont il ne manque presque aucun élément.

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