Dernier journal composé au plomb, le Démocrate de l'Aisne suspend sa publication à cause du coronavirus

Le Démocrate de l'Aisne, dernier journal en Europe composé au plomb ne paraîtra plus. Le journal 100% papier n'étant pas distribué en temps et en heure à cause de la crise sanitaire, son directeur, Jacques Piraux doit se résoudre à suspendre sa publication jusqu'à nouvel ordre.

"Au Démocrate de l'Aisne, nous ne sommes plus en capacité de remplir notre rôle d'information locale et de lien social [...] Nous voici dans l'obligation de cesser notre parution hebdomadaire", écrit Jacques Piraux dans son dernier billet paru le 2 avril 2020. Une décision difficile à prendre pour le directeur et rédacteur en chef du journal depuis 33 ans. "Mais il y a pire en ce moment", convient-il. 
 
Depuis sa création en 1906, le Démocrate de l'Aisne n'a cessé de paraître qu'en temps de guerre : entre 1918 et 1919 puis entre 1940 et 1944. 

À cause de la crise sanitaire liée au coronavirus, le dernier journal d'Europe composé au plomb, et donc 100% papier, peine à être distribué. "Je viens seulement de recevoir celui du jeudi 2 avril... soit une semaine après", témoigne Jacques Piraux, alors que des exemplaires sont livrés bien au-delà de l'Aisne. "Il est arrivé à Paris et en Australie avant Chauny", s'exclame-t-il. 
 


Avec les mesures de confinement, la Poste assure tant bien que mal la distribution du courrier avec des délais de livraison incertains. Un risque que ne peut pas prendre le directeur du journal. "Cela n'a pas de sens de recevoir le journal une semaine après, c'est comme si vous diffusiez le journal télé  d'aujourd'hui jeudi prochain", affirme Jacques Piraux. 

En prime, la rédaction composée de trois salariés et de deux retraités bénévoles ne peut plus fonctionner normalement. "Les trois personnes qui travaillent ont toutes des enfants qu'elles doivent garder donc elles ne peuvent pas travailler", explique-t-il. 
 

Vers un arrêt définitif ? 

Cette décision de suspendre la publication, si elle est temporaire et liée à l'actualité, pose inévitablement des questions pour les années à venir. "Pour la première fois, je mets un gros point d'interrogation", confie Jacques Piraux. "Mais en même temps, je me dis, ce n'est pas possible que cela s'arrête définitivement", poursuit-il. 

Le journal imprimé à 1200 exemplaires, voit son nombre de lecteurs augmenter chaque année. "On produit en moyenne 80 à 120 journaux de plus par an", assure le directeur et rédacteur en chef du journal qui compte 1100 abonnés. 
 

Pour autant sa fabrication est unique en son genre. Il faut entretenir les machines, mais aussi recruter de la main d'œuvre qualifiée, comme des linotypistes, typographes ou rotativistes, capables de maîtriser ces anciennes techniques essentielles à la production du journal. "Là où j'ai souffert le plus, c'est avec la suppression des contrats aidés alors que j'étais en train de former des jeunes sur ces métiers anciens", explique-t-il. "Mais je me suis battu. Malgré tout, aujourd'hui je commence à avoir un peu de déficit alors que jusque-là j'arrivais à conserver un équilibre budgétaire", ajoute le directeur, qui travaille bénévolement. 
 

De même, le journal compte sur la publication des annonces légales et judiciaires. Or, une récente décision du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'autorisation préfectorale de publication suite à une requête du journal L'Axonais. "Pour le moment, pour 2020 nous sommes habilités, après il sera temps de faire appel", commente-t-il. 

Le directeur du journal pourrait envisager pour la première fois de se tourner vers le département ou la région pour obtenir des subventions. "Je n'ai jamais voulu pour garder mon indépendance." Mais pas question de publier sur internet. "Cela n'aurait plus aucun sens", assure-t-il. 

À 78 ans, Jacques Piraux aimerait alors trouver quelqu'un pour le remplacer. Car si le Démocrate de l'Aisne n'existe plus, c'est une page de l'histoire de la presse et du patrimoine qui se tournerait. 
 
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