Angres : à 100 km de Calais, "Vietnam City", discret camp de migrants aux mains de passeurs

A cent kilomètres au sud de Calais, à l'abri des regards, une quarantaine de Vietnamiens vivent dans une maison abandonnée, en attendant de rejoindre l'Angleterre. Régi par des passeurs, ce camp de migrants d'Angres est dans le viseur de l'État qui compte le démanteler avant l'été.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Dans la cour, à l'orée d'un bois, un autel bouddhiste accueille les visiteurs. "Camp d'Angres, 50 personnes maximum", peut-on lire sur une pancarte placardée sur cet ancien bâtiment des mines mis à disposition par la mairie communiste.

Les premiers migrants vietnamiens sont arrivés en 2006. D'abord "à côté de la station-service, dans la gadoue" puis, depuis 2010, sur ce terrain communal avec des "conditions de vie moins précaires", raconte Maryse Roger-Coupin, maire de cette petite ville de 4.300 habitants.

Ils sont aujourd'hui une quarantaine dans ce bâtiment, surnommé "Vietnam City", à côté d'un site classé Seveso. "Ils ont déjà été plus de 200", affirme Benoît Decq, bénévole du collectif Fraternité migrants. "Des migrants économiques originaires de la région de Vinh, quelques mineurs, 20% de femmes et le turn-over est important", expose-t-il.

Dans le dortoir, de nombreux migrants dorment encore. Il est 15H, mais certains ont passé la nuit à essayer de grimper dans des camions en partance pour l'Angleterre. Des ballons dégonflés pendent au plafond du hangar à côté, "des restes de la fête du Têt, le nouvel an vietnamien", commente Benoît Decq. Plus loin, des jeunes jouent au ping-pong, se réchauffent autour d'un poêle ou cuisinent du poulet aux oignons. Le silence est de mise.
Comme chaque soir, ils dîneront ensemble avant de traverser la forêt pour rejoindre l'aire de repos sur l'A26, l'avant-dernière avant Calais, où des chauffeurs de camion font halte la nuit. Sur leur route, certains fleuriront la tombe de soldats français morts en 1915. "Inconcevable pour eux de laisser une tombe à l'abandon", explique M. Decq.


"Jusqu'à 30.000 euros le passage"


Après ses dix années de bénévolat, celui-ci a une certitude: "Du Vietnam en Angleterre, le trajet est géré par des passeurs. On n'arrive pas à Angres par hasard, en se promenant !". Une filière de passeurs a d'ailleurs été démantelée en février : 14 personnes ont été interpellées à Angres et Paris et mises en examen du chef d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'étrangers en France en bande organisée. "Mais il s'agit de trafics tellement rentables que les équipes de passeurs se reconstituent rapidement", selon le procureur de Béthune, Philippe Peyroux.

Selon une source proche du dossier, "le coût du passage varie en fonction du degré d'organisation. Les passages +garantis+, dans des véhicules avec des caches aménagées difficiles à détecter lors de contrôles, peuvent monter jusqu'à 30.000 euros".

Pour payer, certains migrants empruntent: "les réseaux avancent l'argent et les personnes remboursent avec leur salaire une fois passées en Angleterre. Elles deviennent ainsi prisonnières de ces réseaux pendant des années", dénonce cette source. D'autres, en deviennent complices : "Ce sont les +concierges+, ils ferment la porte des camions", explique Benoît Decq persuadé que les "chefs" du réseau n'habitent pas dans le camp.

Vendredi, cinq migrants vietnamiens ont été blessés au couteau lors d'une rixe dont les circonstances sont pour l'heure inconnues. A Angres, "nous avons affaire à un trafic criminel d'êtres humains", estime la préfecture du Pas-de-Calais qui a mis en demeure la mairie de fermer le bâtiment. "C'est un point de fixation pour les passeurs, le site est dangereux et les conditions de vie indignes, l'État est déterminé à ce que ce lieu
ne puisse plus accueillir de migrants
", tonne la préfecture.

Réponse de la maire : "Ce n'est pas le camp qui aspire les Vietnamiens, c'est l'aire de repos. Si on démantèle, ils continueront à arriver et se retrouveront dans le bois, dans des conditions épouvantables".


Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information