Brexit : les députés britanniques mettent le Royaume-Uni sur les rails de la sortie de l'Union Européenne

L'accord de Brexit du Premier ministre britannique Boris Johnson a franchi ce vendredi une première étape décisive au Parlement, mettant sur les rails sans attendre Noël la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne le 31 janvier.
 

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Après trois ans de crise et blocages suivant le référendum de 2016, le bouillonnant dirigeant conservateur a remporté le 12 décembre une majorité écrasante lui ouvrant un boulevard pour remplir sa promesse de mettre en oeuvre le Brexit, approuvé à 52% par les Britanniques en juin 2016.  A peine huit jours plus tard, la chambre basse du Parlement s'est réunie exceptionnellement un vendredi pour lancer le processus d'adoption avant la pause de Noël.

Elle a approuvé avec 358 voix pour (234 contre) le projet de loi traduisant dans la loi l'accord de divorce négocié avec Bruxelles. "Nous avons un pas de plus vers le Brexit", s'est félicité Boris Johnson sur Twitter.
 


Après ce premier vote, le texte doit faire l'objet de débats plus détaillés à partir du 7 janvier et une adoption finale espérée par gouvernement dès le 9 janvier. Une fois l'assentiment de la reine reçu, il ne restera alors plus qu'au Parlement européen de le ratifier pour que le Royaume-Uni sorte de l'Union européenne le 31 janvier, après 47 ans d'une vie commune mouvementée et un divorce reporté trois fois.

Ce texte marque un tournant "dans notre histoire nationale" et ne doit "pas être vu comme la victoire d'un parti sur un autre", a déclaré avant le vote Boris Johnson devant une Chambre des communes aux bancs conservateurs enthousiastes. "Il est temps d'agir ensemble", "dans une confiance renouvelée dans notre destin national", a-t-il poursuivi, exaltant le "génie national".

En octobre, Boris Johnson n'avait pas réussi à obtenir, faute de majorité, le soutien final du Parlement pour faire approuver son accord. Ce dernier prévoit notamment une nouvelle solution pour éviter le retour d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord, province britannique, et la République d'Irlande, susceptible de mettre en péril les accord de paix du Vendredi saint de 1998.
 

Les négociations avec l'UE ne sont pas terminées


Après le vote de vendredi, le nouveau président du Conseil européen Charles Michel a salué "une étape importante"  et averti qu'une "concurrence équitable" devait constituer la base de la relation que doivent nouer le Royaume-Uni et les 27 après le Brexit.

La date officielle du divorce donnera en effet le coup d'envoi d'une période de négociations au pas de charge pour nouer un accord de libre-échange. "L'accord que nous sommes prêts à discuter, c'est zéro tarif, zéro quota, zéro dumping", a résumé Michel Barnier, le négociateur de l'UE pour le Brexit. S'ouvrira alors une période de transition courant jusqu'à la fin 2020, censée permettre à Londres et Bruxelles de se séparer en douceur. Les Britanniques continueront d'appliquer les règles européennes et d'en bénéficier - sans siéger dans les institutions européennes et avoir leur mot à dire sur les décisions.
 
Cette période est prolongeable une fois d'un an ou deux, toute demande devant intervenir avant le 1er juillet. Mais Boris Johnson veut d'office fermer la porte à cette possibilité et a introduit dans la loi soumise au Parlement vendredi une disposition interdisant tout report. Ce positionnement a fait resurgir les craintes d'un "no deal" aux conséquences redoutées pour l'économie à la fin 2020, qui selon le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn "sacrifierait des centaines de milliers d'emplois".
 

L'opposition craint une "dérégulation massive"


Admettant que la décision exprimée par les Britanniques doit être respectée, le socialiste de 70 ans a dénoncé un accord qui "ouvre la voie à une dérégulation massive" et un accord de libre-échange "toxique" avec le président Donald Trump. "Il y a une meilleure et une plus juste façon pour notre pays de quitter l'UE", a plaidé M. Corbyn.

L'UE a souligné qu'elle ferait le "maximum" pour conclure un accord, tout en prévenant qu'un "no deal" aurait "plus d'impact sur le Royaume-Uni" que sur les Européens.

Disposant des mains libres pour réaliser le Brexit comme il l'entend, le gouvernement a levé le suspense sur la succession attendue à la tête de la Banque d'Angleterre, institution qui a joué un rôle clé pour protéger l'économie britannique des turbulences liées à la sortie de l'Union européenne. Pour succéder à Mark Carney, c'est le patron de l'autorité des marchés financiers, Andrew Bailey, 60 ans, qui a été choisi.
 
Qu'y a-t-il dans le traité de divorce entre le Royaume-Uni et l'UE ?
La période de transition :  le texte prévoit une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020, pendant laquelle les Britanniques continueront d'appliquer les règles européennes et d'en bénéficier. Ils verseront leur contribution financière, mais sans siéger dans les institutions ni participer aux décisions. La transition vise à éviter une rupture brutale, notamment pour les acteurs économiques, et à donner du temps pour négocier la relation future entre Londres et l'UE, ce qui s'annonce très difficile dans le temps imparti.  

Les droits des citoyens : les 3,2 millions d'Européens au Royaume-Uni et 1,2 million de Britanniques sur le continent pourront continuer à étudier, travailler, percevoir des allocations et faire venir leur famille.

Le règlement financier : le Royaume-Uni honorera les engagements pris dans le cadre du budget pluriannuel en cours (2014-2020), qui couvre également la période de transition. Il bénéficiera en retour des fonds structurels européens et de la politique agricole commune.

Le régime douanier de l'Irlande du Nord : province britannique, l'Irlande du Nord reste sur le territoire douanier du Royaume-Uni en vertu du protocole conclu jeudi.  Si des produits en provenance de pays tiers (comme par exemple les Etats-Unis avec lesquels le Royaume-Uni est impatient de conclure un accord de libre-échange) entrent en Irlande du Nord et s'ils y restent, alors seront appliqués les droits de douane britanniques. En revanche, si ces marchandises en provenance de pays tiers sont destinées à entrer dans l'UE, via l'Irlande du Nord, alors les autorités britanniques appliqueront les droits de douanes de l'UE. L'Irlande du Nord reste alignée sur un ensemble limité de règles de l'UE, par exemple en matière sanitaire pour les contrôles vétérinaires. Ce système complexe vise à éviter le retour d'une frontière physique avec la République d'Irlande, membre de l'UE, ce qui aurait pu fragiliser la paix régnant depuis 20 ans dans la province britannique après trois décennies de "troubles". Il a cependant provoqué la colère des unionistes nord-irlandais qui voient cette différence de traitement une atteinte à l'intégrité du Royaume-Uni.

► L'aval de l'assemblée nord-irlandaise : l'assemblée d'Irlande du Nord (Stormont) aura une voix décisive sur l'application à long terme de la législation européenne sur ce territoire. Ce mécanisme de "consentement" concerne notamment la réglementation sur les marchandises et les douanes, le marché unique de l'électricité, la TVA et les aides d'État.  En pratique, cela signifie que quatre ans après la fin de la période de transition, l'Assemblée peut, à la majorité simple, donner son feu vert au maintien de l'application du droit de l'Union ou voter pour son abandon. Dans ce dernier cas, le protocole cessera d'être applicable deux ans plus tard. Quatre ans après l'entrée en vigueur du protocole, les représentants élus d'Irlande du Nord pourront décider, à la majorité simple, de continuer ou non à appliquer les règles de l'Union en Irlande du Nord.

► TVA : pour éviter une frontière physique entre les deux Irlandes et protéger l'intégrité du marché unique européen, les règles de l'UE concernant la TVA sur les marchandises continueront de s'appliquer en Irlande du Nord. Les douanes britanniques seront chargées de la collecte.

Vers un grand accord de libre-échange : dans sa "déclaration politique" révisée sur les relations futures, l'UE promet un accord "sans droits de douane ni quotas" avec Londres.  En contrepartie, Bruxelles exige des "garanties" sur des conditions de concurrence équitables. Le but est d'empêcher le Royaume-Uni de créer aux portes de l'Union une sorte de "Singapour" qui ne respecterait pas les normes de l'UE en matière sociale, fiscale et environnementale. 
 
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