Brexit : redevenir un champion du libre-échange, le pari du Royaume-Uni

En s'éloignant de l'UE, le Royaume-Uni entend redevenir le champion du libre-échange en négociant des accords tous azimuts, mais ce projet pourrait s'avérer périlleux.
 

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Dès la sortie de l'UE effective vendredi, le gouvernement aura à coeur de montrer qu'il tient la promesse faite depuis le vote sur le Brexit en 2016 de "reprendre le contrôle" de sa politique commerciale. "Dès le 31 janvier, nous allons travailler avec nos amis et partenaires à travers le monde", a promis le Premier ministre Boris Johnson, l'un des principaux artisans du Brexit.
 
Son gouvernement a musclé ses équipes pour être en mesure de négocier en parallèle avec les Etats-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon.     "Nous croyons passionnément au libre-échange", a martelé le ministre des Finances Sajid Javid, lors du forum de Davos.
  

Faire des choix ?


La priorité devrait être donnée toutefois à l'Union européenne avec la volonté de conclure un vaste accord courant 2020, même si Bruxelles assure qu'il faudra faire des choix face à un délai si court. Les enjeux sont énormes puisque qu'avec le Brexit le Royaume-Uni sort du marché unique européen et de l'Union douanière. Or l'UE pèse près de la moitié du commerce extérieur britannique, essentielle à des secteurs comme l'automobile, l'alimentaire ou la pharmacie.

Sajid Javid a sobrement appelé les entreprises à "s'adapter", tandis que Michel Barnier, négociateur principal de l'UE, a averti des risques de "précipice" si les deux parties ne trouvent pas un compromis d'ici la fin de l'année. A défaut d'accord commercial, les relations économiques entre Bruxelles et Londres seraient régies par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avec le retour des droits de douane.
 
Le plus probable est que le pays décroche un accord de libre-échange limité, garantissant zéro droits de douane et zéro quotas "en échange de règles du jeu équitables" pour un ensemble de produits, ainsi qu'une "feuille de route pour de futures négociations", estime Gabriel Siles-Brügge, professeur de sciences politiques à l'Université de Warwick.

En parallèle, des compromis sur la pêche et la sécurité, voire les services financiers devront être trouvés. Londres entend regarder au-delà du continent et notamment vers les Etats-Unis, qui comptent cependant pour moins de 12% de son commerce extérieur. Le secrétaire au Trésor de Donald Trump, Steve Mnuchin, s'est dit "optimiste" sur un traité qu'il aimerait voir bouclé fin 2020, même si des sujets sensibles comme l'autorisation partielle de donnée au chinois Huawei dans la 5G au Royaume-Uni ou les différends sur les normes alimentaires pourraient perturber les discussions.
 
 

"Irréaliste"


"Négocier de multiples accords commerciaux en même temps c'est comme jouer aux échecs en trois dimensions", prévient Jill Rutter du centre de recherche The UK in a Changing Europe. "Il y aura des arbitrages difficiles", selon elle. L'Observatoire de la politique commerciale britannique de l'Université de Sussex juge de son côté "irréaliste" la promesse des Conservateurs de décrocher des accords couvrant 80% du commerce extérieur britannique d'ici trois ans.
 
Le pays doit renégocier les 40 traités commerciaux dont il bénéficiait dans le cadre de l'UE. Il est déjà parvenu à en renouveler 20 mais pas encore ceux d'incontournables partenaires comme le Canada et le Japon. Avec ces derniers, il pourrait toutefois se contenter de reproduire les compromis existants avec l'UE. "Le Royaume-Uni veut montrer des résultats après le Brexit et il est probable qu'il accélère les discussions avec de nombreux pays. Le Japon pourrait être le premier accord majeur signé", anticipe Mitsuo Fujiyama, économiste au Japan Research Institute.

Dans un second temps, Londres devrait aussi engager des discussions avec des pays africains, continent où l'ex-puissance coloniale veut se faire à nouveau entendre. Un potentiel accord avec la Chine, deuxième puissance économique mondiale, ne semble toutefois pas en tête des priorités. Il faut dire que peu de pays occidentaux ont réussi à en conclure et celui arraché récemment par les Etats-Unis l'a été au terme d'un douloureux bras-de-fer.
 
Reste qu'il n'est pas certain que le pays parvienne à compenser ce qu'il perdra en sortant de l'UE. Le gouvernement conservateur reconnaissait lui-même dans des documents publiés fin 2018 qu'en cas d'accord de libre-échange limité avec l'UE, le produit intérieur brut serait amputé de 4,9% d'ici 2034 par rapport à l'absence de Brexit.
 
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