Les affrontements ces deux dernières nuits à Calais entre migrants et forces de l'ordre ont été d'une violence inédite qui interpelle les différents acteurs présents sur le terrain.
Depuis deux nuits, des groupes de 200 à 300 migrants affrontent les forces de l'ordre à Calais. Des pierre et des projectiles sont jetés sur la rocade portuaire afin de ralentir le trafic, provoquant l'intervention des CRS. Les poids lourds sont pris pour cible et près d'une trentaine de policiers ont été blessés lors de ces deux nuits de heurts. Pourquoi ces violences d'une ampleur inédite surviennent-elles maintenant ?
L'approche de l'hiver
Si les températures de l'automne ont été relativement clémentes jusqu'ici, beaucoup de migrants semblent craindre de passer l'hiver à la "Jungle" de Calais. "Ceux qui se sont un peu reposés après avoir fait plus de 3000 bornes veulent reprendre la route", explique Christian Salomé, président de l'association "L'Auberge des Migrants", très présente sur place. "Ils se disent "je ne vais pas passé l'hiver ici dans des conditions pareilles, il faut que je passe". Il faut être à l'abri avant que l'hiver soit là." La lande est souvent exposée au vent et chaque averse transforme les allées du camp en bourbier gadoueux. Même si des boutiques et des restaurants se sont développés dans le bidonville, les conditions de vie y restent difficiles. La semaine dernière, l'Etat et la ville de Calais ont d'ailleurs été sommés par le tribunal administratif de Lille d'effectuer un certain nombre d'aménagements sanitaires d'urgence : latrines, points d'eau, ramassage plus régulier des ordures.
Une "Jungle" surpeuplée
Lundi, la préfecture a annoncé une diminution du nombre de migrants présents dans le bidonville de Calais de 6000 à 4500. Cette baisse s'expliquerait par de nombreux départs de personnes qui auraient renoncé à franchir la Manche et accepté de rejoindre des centres de mise à l'abri, ailleurs en France. Mais si certains partent, d'autres continuent à arriver ."Quand on se promène dans le bidonville, on ne se rend pas compte de 1000 personnes en moins", estime Christian Salomé. "On voit beaucoup de gens qui arrivent, beaucoup d'Irakiens notamment qui arrivent sans famille. On sait qu'il y en a d'autres qui sont sur la route et qui vont arriver. Et les gens ici se rendent compte qu'il y a une foule et qu'il faut passer. La pression arrive, la pression est là. Les gens sont informés de la situation en Irak ou en Syrie, ils savent que la guerre s'intensifie et qu'ils n'ont aucune chance de rentrer chez eux. La seule solution pour eux, c'est d'aller de l'avant. Il y a des gens qui les attendent en Angleterre, l'Angleterre n'est qu'à 30 kilomètres d'ici. Ils n'ont plus que 30 kilomètres à faire, ils mettent la pression pour y arriver".Impossible ou presque de franchir la Manche
"Depuis le 25 octobre, il n'y a plus un migrant qui passe en Grande-Bretagne", clame le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. L'entrée du terminal ferry où embarquent les bateaux pour l'Angleterre a été "bunkerisée", entourée d'imposantes grilles blanches. Le site d'Eurotunnel a été lui aussi sécurisé ces derniers mois. Selon les associations présentes sur place, des migrants parviendraient quand même à passer mais en plus petit nombre. "Ce sont ceux qui ont le plus d'argent qui parviennent à passer", nous explique Christian Salomé. "Comme c'est plus difficile de passer, les passeurs font payer de plus en plus cher".Des incidents "provoqués" ?
Du côté des syndicats de police, les deux dernières nuits d'affrontements à Calais entre migrants et policiers soulèvent beaucoup d'interrogations. "On a eu des migrants qui pour la première fois viennent au contact avec les forces de l'ordre, ce qu'on ne voyait que très rarement", relève Gilles Debove, responsable de SGP Police-FO sur le Calaisis. "Cette fois-ci, ils voulaient en découdre. On est surpris de cette violence et du nombre de blessés dans nos rangs. Autre question : comment peuvent-ils penser pouvoir passer "en toute discrétion" en prenant d'assaut un camion à plus d'une cinquantaine. Quand ce genre d'événement arrive à proximité du port, les techniques de recherche de migrants dans les camions sont plus que doublées et les agents qui y travaillent redoublent de vigilance."Le syndicaliste policier soupçonne notamment la présence de militants alter-mondialistes "No Border" dans ces heurts. "Dimanche, il y avait une manifestation d'extrême-droite à Calais et une contre-manifestation en face. C'est un peu concomitant avec les incidents". Selon nos informations, une enquête est en cours pour tenter de déterminer l'implication de "No Border" dans les incidents de ces deux dernières nuits.