Elodie Machu, mère d'une fillette morte à l'hôpital de Cambrai le 9 mars dernier, porte plainte contre l'établissement pour homicide involontaire. Elle tient l'établissement et certains de ses médecins pour responsables de la mort de Mareva, 3 ans, qui n'aurait pas été prise en charge sérieusement.
Le 9 mars 2016, peu après minuit, Elodie Machu doit conduire sa fille d'urgence à l'hôpital de Cambrai. Mareva, 3 ans et 4 mois, souffre de douleurs insupportables au ventre. Elle appelle le SAMU, qui fait venir une ambulance pour transporter la petite aux urgences. Orientées à 1h15 vers la salle d'attente du service pédiatrie, elles doivent attendre une heure et demi avant d'être prises en charge. Mareva hurle, une aide-soignante lui demande le silence pour ne pas réveiller les autres enfants.
Une interne du service arrive enfin pour ausculter la fillette. Devant l'état de santé de l'enfant, elle fait appel à la pédiatre, qui lui demande de contacter le chirurgien d'astreinte. Depuis son domicile, ce dernier préconise un bilan sanguin et une imagerie. Il ne se déplacera pas.
La pédiatre alerte alors par téléphone le radiologue, lui aussi d'astreinte. Lui aussi se trouve à son domicile. Elle lui demande de venir pour réaliser un scanner... Cela peut attendre le lendemain, lui aurait-on répondu à l'autre bout du fil.
Panique dans le service
Pendant ce temps là, Mareva semble s'être calmée, ne hurle plus de douleur. "Mais elle avait les lèvres blanches, avec les yeux qui virevoltaient", se souvient sa mère. "On m'a dit que c'était la fatigue, et le manque de salive. On a su après qu'elle était en fait en état de choc", relate Elodie Machu.Au petit matin, la pédiatre, qui était rentrée chez elle entre temps, interprète les radios de la petite. "On m'a dit qu'elle avait le colon distendu, qu'elle allait être transférée à Valenciennes, mais qu'il ne serait peut-être même pas nécessaire de l'opérer", se souvient la maman.
Enceinte de 8 mois, Mme Machu est alors prise de contractions après une nuit de stress, et sans sommeil. "Je suis descendue vingt minutes en maternité, où j'ai fait un monitoring", raconte-t-elle. Lorsqu'elle remonte pour revenir au chevet de sa fille, elle réalise que quelque chose ne va pas dans le service. "On m'a dit que Mareva avait fait un malaise, et j'ai commencé à voir les médecins réanimateurs courir dans le couloir". Cinquante minutes plus tard, on lui annonce la mort de Mareva. Le décès a été prononcé à 9h25.
Expertise accablante
De quoi est morte Mareva ? A l'hôpital, les médecins semblent incapables de répondre aux questions de sa mère. "On m'a dit que c'était peut-être une septicémie foudroyante. On m'a proposé l'autopsie une heure après. Je l'ai refusée, j'étais sous le choc".Plusieurs semaines plus tard, Elodie Machu a fait une demande d'expertise auprès du tribunal administratif. Un médecin, le Dr Jean-Claude Mselati, pédiatre à l'hôpital d'Orsay en région parisienne, est nommé pour faire la lumière sur d'éventuels dysfonctionnements au sein de l'hôpital de Cambrai.
Toutes les parties sont confrontées, témoignent, et le déroulé des événements est minutieusement ré-étudié par l'expert, pièces à l'appui. Sur les clichés de radiologie (abdomen et thorax), il reproche aux soignants cambrésiens de ne pas avoir su estimer la gravité de la distension du colon de Mareva, qui serait pourtant parlante sur les images. La fillette souffrait d'un "mégacôlon toxique".
Par ailleurs, la "microcardie" de l'enfant n'a pas non plus été détectée. Un rétrécissement du coeur, dû à l'état de choc, qui lui a peut-être coûté la vie. "Dans ce rapport, il est établi la faute dans l'organisation du service. Et les fautes sont nombreuses", constate Me Christophe Donnette, avocat d'Elodie Machu. Il estime qu'avec un bon diagnostic, Mareva avait 80% de chances de survie.
Réaction de l'hôpital
Une plainte pour homicide involontaire a été déposée par Mme Machu aurpès du procureur de la république de Cambrai. Ce dernier a trois mois pour étudier le dossier et décider ou non d'ouvrir une procédure. Le cas échéant, Me Donnette saisira directement un juge d'instruction.Sollicité, l'hôpital de Cambrai a réagi ce mardi par le biais d'un communiqué, signé du directeur Philippe Legros : "L'hôpital et toute la communauté hospitalière sont profondément affectés par le décès de cette petite fille et s'associent à la douleur de ses proches. Il est bien sûr compréhensible qu'une famille confrontée à la perte brutale d'un enfant recherche des explications à ce qui est arrivé. L'hôpital continuera de coopérer à la manifestation de toute la vérité dans le cadre de cette plainte comme il l'a déjà fait en toute transparence à l'occasion des premières démarches effectuées par les parents et leur avocat", y est-il indiqué.
"Ils n'ont strictement rien fait" réagi la mère de la victime. "Je n'ai pas eu de courrier, rien. A part un courrier pour payer le dossier médical médical de Mareva, 4,19 euros".
En colère, Elodie Machu dit n'en vouloir qu'à certains médecins impliqués cette nuit là, et tient à préciser que ce 9 mars 2016, "l'interne et l'infirmière qui étaient avec Mareva étaient les seules à voir la gravité de la situation. Elles étaient les seules à essayer de faire bouger les choses... Les responsables sont ceux qui n'ont pas voulu se déplacer, et la pédiatre qui a pris le cas de ma fille à la légère".
Deux semaines après la disparition de Mareva, Elodie Machu, 27 ans, a accouché le 23 mars 2016 d'une petite Rose, qui est aujourd'hui en très bonne santé.
Elodie Machu souhaite recueillir d'éventuels témoignages de personnes qui auraient pu constater ou être victimes de négligences en milieu hospitalier, notamment à Cambrai. Elle communique publiquement une adresse mail vers laquelle les communiquer : elodie.mareva11@hotmail.com