Des déclarations des ministres Nicolas Hulot et Elisabeth Borne concernant une possible "pause" dans le projet du Canal Seine-Nord, dont les travaux doivent démarrer ces prochains mois, ont fait sortir de leurs gonds les élus nordistes, exaspérés par le spectre d'un énième report.
"Une agression sans précédent contre les intérêts des Hauts-de-France", "impensable et inacceptable", "simplement scandaleux", "une terrible nouvelle pour la région": au cours des dernières 24 heures, les comptes Twitter de plusieurs figures politiques de la région ont rivalisé d'indignation à propos de ce chantier jugé hautement stratégique de 4,5 milliards d'euros.
Deux déclarations gouvernementales ont mis le feu aux poudres. Interrogé par la presse sur les grands projets d'infrastructures de transport jeudi matin, le ministre de l'Ecologie Nicolas Hulot a parlé de "pause" et d'analyse "au cas par cas". Dans l'après-midi, la ministre des Transports Elisabeth Borne, a renchéri au Sénat: "Comme pour d'autres grands projets, il y a eu des promesses faites, des engagements pris sans vision d'ensemble. (Leur addition) ne passe pas dans la trajectoire actuelle de la dépense de l'Etat." Et la ministre de rappeler la "priorité" donnée par Emmanuel Macron à "l'entretien et la maintenance des réseaux existants".
Les soutiens du projet, de tous bords politiques dans les Hauts-de-France à l'exception d'EELV, pensaient avoir fait le plus dur fin novembre dernier, lors de la conclusion d'un accord de financement répartissant l'effort entre l'UE (1,8 milliard), l'Etat (1 milliard), les collectivités (1 milliard) et un emprunt public (0,7 milliard). Deux semaines plus tôt, Manuel Valls, alors Premier ministre, était même allé jusqu'à espérer un premier coup de pioche "début 2017".
"Des années qu'on nous balade!"
Ce canal, long de 107 kilomètres entre Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord), a vocation à être le maillon manquant entre la Seine et le réseau fluvial de l'Europe du Nord, pour le transport de marchandises entre les pays du Bénélux et la région parisienne. La "pause" évoquée par le gouvernement jeudi a rouvert le spectre d'un énième report. Lancé en 1993, ce projet, dont les travaux devaient commencer au début des années 2000, est devenu une arlésienne. Xavier Bertrand, président (LR) des Hauts-de-France, qui ont voté une importante participation dans le projet, appelle "chacun à garder son sang-froid" mais a du mal à cacher sa "colère froide" : "Je n'ose pas imaginer que la parole de l'Etat ne vaille plus rien. (...) Le report serait signer un arrêt de mort, car l'Europe retirerait ses crédits", alerte-t-il.Le chef de l'exécutif régional confie s'être entretenu jeudi soir avec le Premier ministre Edouard Philippe pour lui demander "de la visibilité rapidement". Son adversaire malheureux aux régionales de 2015, Pierre de Saintignon (PS), également adjoint de Martine Aubry à Lille, est sur la même ligne, preuve d'une "union sacrée" locale sur le sujet: "Si ce projet est arrêté, ce serait parfaitement scandaleux", "une condamnation économique de la région des Hauts-de-France, car la connexion aux ports est un élément majeur de l'émancipation économique". "Le chantier du Canal Seine-Nord Europe est incontournable dans une Région où les récents scrutins ont une nouvelle fois été marqués par l'expression d'une population en souffrance confrontée à un taux de chômage important et durable", souligne de son côté Michel Dagbert (PS), président du Conseil départemental du Pas-de-Calais.
Le député de la Somme Stéphane Demilly, qui codirige le groupe des "Constructifs" LR-UDI-centristes à l'Assemblée nationale, s'emporte: "Cela fait des années qu'on nous balade, ça suffit! Que les choses soient claires, si le gouvernement revient sur ce projet, c'est une déclaration de guerre aux six millions d'habitants de la région Hauts-de-France. Et nous ne nous laisserons pas faire !"