Cinq ans après la proposition d'Emmanuel Macron de créer un Grand débat national. Les milliers de cahiers de doléances rédigés par des Français en colère sont restés lettre morte. Une résolution visant à rendre publique ces écrits se construit depuis le 13 janvier dernier à l'assemblée. Deux mois après, où en est-on ?
Ce 14 mars, une députée décrit une "salle comble" pour la diffusion à l'Assemblée nationale du documentaire Les Doléances, de la réalisatrice lilloise Hélène Desplanques. Le film suit Fabrice Dalongeville, maire rural d'Auger-Saint-Vincent dans l'Oise, dans sa démarche pour rendre publics les cahiers de doléances remplis à partir du 15 janvier 2019 en mairies, convaincu que "ça ne doit pas être une simple séquence".
Sans réponse de l'Élysée, Fabrice Dalongeville a décidé de contacter différents députés pour porter sa voix. C'est Marie Pochon, députée EELV de la Drôme qui porte désormais une résolution en ce sens auprès de la chambre basse, co-signée par plusieurs de ses collègues.
À l'Assemblée, "Comme pour les autres projections, les gens étaient à la fois surpris et assez en colère", raconte Fabrice Dalongeville. Cette résolution demandant la publicisation des doléances a été déposée le 13 janvier dernier, à la date anniversaire du jour où Emmanuel Macron annonçait la mise en place du Grand débat national. Deux mois après, le maire est confiant : "On est très déterminés et patients, donc on y arrivera."
Des doutes sur la possibilité du vote
Pour l'instant, la résolution est signée par seize députés : du Modem, de LIOT, de la NUPES et même de la majorité. Pour autant, afin d'être votée en commission transpartisane, comme le souhaite son autrice, elle doit répondre à un certain nombre de critères, difficiles à réunir.
Jean-Louis Bricout est député LIOT de l'Aisne. Signataire de la résolution, il est moins confiant que sa collègue. "Seize signatures, ça me semble très peu, déplore-t-il. Elle peut toujours être mise aux oubliettes. Pour une inscription à l'ordre du jour en commission transpartisane, il faut l'accord d'un chef de groupe de l'opposition, que l'on aura sûrement, mais il faut aussi l'accord d'un chef de groupe de la majorité et l'accord du gouvernement."
"Si le gouvernement refuse que ce soit mis à l'ordre du jour, on comprendra qu'ils ne veulent pas qu'elles soient lues", abonde Fabrice Dalongeville.
Une stratégie politique pour un vote transpartisan
La course aux signatures et déjà lancée au palais Bourbon. Marine Pochon rassure : "On est déjà en train de travailler avec un chef de groupe de la majorité et j'ai entendu dire que du côté des Républicains, ils soutiendraient aussi une telle résolution".
On n'a pas envoyé la résolution à tout le monde parce que si on a une centaine de signatures, seulement écolo et insoumises, ça peut faire peur à certains membres de la majorité présidentielle
Marine Pochon, députée EELV
Il est essentiel pour elle que cette résolution soit transpartisane. C'est un choix assumé de ne pas faire voter cette résolution en niche parlementaire. "Je ne suis pas dans un esprit de revanche", assure la députée de la Drôme avant d'ajouter : "Notre pays a besoin d'apaisement et d'écoute, surtout pour le renforcement de notre démocratie. Je crois que tout le monde bénéficierait de la publication de ces cahiers de doléances."
Les prochaines étapes
"Dans les jours et semaines qui viennent, nous allons informer l'ensemble de la représentation nationale républicaine", annonce Marine Pochon. "J'espère que ce sera étudié avant l'été. Je crois que les salles remplies par le ciné-doléances le montrent, je crois qu'on a besoin d'avancer sur ces sujets-là".
Hors du palais Bourbon, le sujet pourrait aussi revenir dans l'actualité : "Il y a eu une faute démocratique absolument majeure à ne pas donner suite à ce Grand débat national qui avait créé tant d'espoirs chez nos compatriotes. Je crois qu'on a besoin de faire un maximum de bruit autour de cette bataille-là. On a besoin que ce film soit projeté le plus possible."
Le film Les doléances est lancé dans "un tour de France" des projections dont il reste une douzaine de dates à travers l'hexagone. Une tribune est aussi en préparation. Elle sera diffusée dans les médias le 15 avril.