Lundi 8 mars, la direction générale de la santé a annoncé que les médecins ne pourraient pas commander de vaccins pendant une semaine au profit des pharmaciens. Des médecins picards dénoncent une "erreur stratégique" lourde de conséquences.
Priorité aux pharmaciens. C’est le choix pris par la direction générale de la santé dévoilé lundi 8 mars. Annulation de rendez-vous, impression de stagnation voire de recul dans le processus de vaccination, il est peu de dire que la mesure a soulevé l’incompréhension et la colère chez les médecins. La Picardie n’échappe pas à ce constat.
On nous a averti dimanche à 22h30. Encore une mesure qui sort dont ne sait où, contre-productive, qui vient anéantir le climat de confiance qu’il a fallu instaurer avec les patients à base de pédagogie et de beaucoup d’écoute pour compenser la mauvaise presse notamment du vaccin AstraZeneca.
Pour Didier George, la pilule est d’autant plus difficile à avaler qu’il était parvenu à créer "un véritable engouement" dans son cabinet aux côtés de ses deux collègues médecins généralistes. "Nous accueillons chaque samedi après-midi, qui étaient auparavant des jours de relâche, près de 60 personnes à vacciner. La liste d’attente est longue, à cause de ce retard, elle s’allonge. On ne sait pas quand on pourra relancer le processus, ni avec quelles quantités ou pour combien de personnes. Sans visibilité, on ne peut pas donner de nouveaux rendez-vous. On va perdre du temps à tout remettre en place."
"Le seul capable d’évaluer la maladie avec exactitude, c’est le médecin"
Des difficultés supplémentaires qui viennent s’ajouter à une organisation déjà difficile. Certains médecins généralistes, comme Georges Jung, à Compiègne, privilégient la vaccination dans les centres. "Je ne vaccine pas au cabinet à cause de cette pagaille. La vaccination en cabinet c’est passer une demi-journée pour trouver 10 patients dans les critères, faire en sorte de trouver une date commune pour le rappel. On les fait venir, on les vaccine et on attend vingt minutes sans rien faire en cas de malaise sachant qu’on est limité en salle d’attente à 4/5 patients. À part pour des grandes structures, c’est ingérable. Dans les centres de vaccination, les salles sont grandes, les patients peuvent attendre tranquillement, en sécurité, et de nôtre côté on n’est pas obligé d’attendre à se raconter nos vacances."
Si les deux hommes soutiennent le processus de vaccination de manière différente, ils sont d’accord sur un point : l’ouverture de la vaccination aux pharmaciens ne va pas améliorer la sélection des patients et rendre le procédé plus efficace. "On nous rabâche qu’il faut prioriser, mais le seul capable d’évaluer la maladie avec exactitude, c’est le médecin", débute le Compiégnois. "On peut se baser sur des listes d’attente de gens qu’on suit depuis 25 ans. Les pharmaciens n’ont pas forcément cette notion. Les choses vont se faire de manière un peu plus aléatoire au gré des rencontres et des allées et venues", abonde l'Amiénois.
Pour moi, c’est une erreur de multiplier les intervenants plutôt que des les rassembler dans des centres localisés. Ce n’est pas normal que des gens de Compiègne aillent se faire vacciner à Paris et inversement. L’idéal serait de faire comme à Compiègne, au centre à la Victoire, avec un secrétariat qui prend les rendez-vous, le pharmacien qui amène les vaccins, l’infirmière qui l’injecte et le médecin qui priorise.
"Au bout du compte, c’est le patient qui va payer"
Pour l’Amiénois, la colère est également accentuée par la communication qui a précédé cette décision. "On a fait croire que des doses non utilisées par les médecins dormaient en pharmacie pour justifier cette multiplication des acteurs. Je peux vous assurer que les pharmaciens chez qui on va et qui nous ravitaillent n’ont pas une seule dose d’avance dans leur frigo. Au bout du compte, c’est le patient qui va payer. On va perdre du temps, peut-être des semaines à tout remettre en place."
"En ouvrant la vaccination aux pharmaciens tout ce qu’on fait c’est déplacer les activités du médecin sur le pharmacien. Ça peut paraître plus pratique, mais ce n’est pas plus efficace. C’est une erreur stratégique. On finira par y arriver, mais on aurait pu faire mille fois mieux, avec moins de temps perdu", conclut Georges Jung.