Déconfinement. Nautisme-Voile : le revirement du gouvernement met les pratiquants dans l'embarras

Depuis mardi, les pratiquants de sports nautiques ont l’impression d’être au milIeu du Pot au Noir… Balancés entre communiqués contradictoires, annonces gouvernementales à contre-temps et questions sans réponses, les «voileux » ne savent pas quel cap prendre. 

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Dès lundi, les plaisanciers ont repris la mer ; tout au moins dans les régions littorales où la tempête ne soufflait pas, ce qui n’était pas le cas sur la côte d’Opale. Déjà, de nombreuses questions se posaient sur les réglementations à respecter en cette période très particulière : quels types de sorties sont possibles ? Quelle durée ? Quelle distance ? Avec combien de personnes à bord ?

Mais un décret sorti mardi remettait totalement en cause la liberté d’aller en mer. Un communiqué de la Préfecture mlaritime de Cherbourg, qui gère la façade maritime Manche-Mer du Nord, a ainsi été publié mardi après 20h. Il est écrit : "Suite à la parution ce jour, mardi 12 mai 2020, du décret n°2020-548 du ministère des solidarités et de la santé prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, est indiqué que « l’accès aux plages, aux plans d’eau et aux lacs est interdit, et les activités nautiques et de plaisance sont interdites aux termes du décret. La préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord tient à préciser que le décret confie au préfet de département la possibilité de déroger à ce principe d’interdiction, sur proposition des maires. L’autorisation de la pratique de ces activités, dans le cadre particulier de l’état d’urgence sanitaire, relève donc du préfet de département."

Ce dernier, invité dans le journal de France3 Hauts-de-France, s’est montré pour le moins très énigmatique sur cette autorisation. Sollicité notamment par le président de la communauté urbaine de Dunkerque Patrice Vergriete, Michel Lalande s’est borné à répondre que le dossier était à l’étude, et qu’il ne se prononcerait qu’à la fin de la semaine. En attendant, l’accès aux plages est toujours interdit, alors que certaines digues de mer sont désormais accessibles .La pratique de la plaisance, activité de plein air,  est donc interdite, après un bref moment de tolérance. Comprenne qui pourra…
 

La sortie de Jules Denel


Dans ce grand flou (on pourrait employer une autre expression moins châtiée…), les sportifs sont clairement perdus. Ainsi, le planchiste lillois Jules Denel, confiné à Wissant, a effectué une sortie lundi, en toute bonne foi. «  La Fédération française de voile nous a informé lundi qu’en tant que sportif de haut-niveau, je pouvais reprendre une activité physique en extérieur ».

Effectivement, dans un guide publié lundi par le Ministère des Sports, chacun peut lire : «A partir du 11 mai 2020, les sportifs de haut niveau inscrits sur les listes du ministère des Sports (élite, sénior et relève) et les sportifs professionnels sont autorisés à reprendre une activité dans tous les équipements sportifs accessibles, ceux en plein air comme les enceintes fermées. Par ailleurs, leur activité s’apparentant à une activité professionnelle, le seuil des 10 personnes maximum autorisé ne s’appliquera pas. Enfin, ils seront autorisés à s’éloigner à plus de 100 km de leur domicile pour la pratique de leur activité sportive ».
 

C’est donc muni de cette attestation de sportif de haut-niveau (téléchargeable sur le site du Ministère) que Jules Denel est parti surfé dans la rade de Wissant. Depuis, il est resté sagement à terre, comme il l’avait fait durant le confinement. « J’ai demandé à la mairie si j’avais accès au plan d’eau. J’ai posé la même question aux gendarmes. Personne ne sait me répondre», rapporte-t-il, un peu énervé.

 Engagé dans le circuit professionnel de funboard, le Nordiste voit arriver la saison et il n’a toujours pas pu s’entraîner. «  Par solidarité face à la crise sanitaire, j’ai décidé de ne pas aller surfer ». Mais comme beaucoup, il ne comprend pas que les plages soient interdites alors que les centres commerciaux et les transports collectifs , qui drainent beaucoup plus de monde, sont autorisés.
 

La balle est dans le camp des préfets


Ce revirement du Gouvernement entre le discours du Premier ministre du 7 mai et le décret paru mardi a fortement énervé aussi les instances qui gèrent la plaisance et le nautisme en France. Ainsi, la Fédération française de voile ( dirigée par le Calaisien Nicolas Hénard) s’est pleinement associée à la lettre adressée ce mardi par le président de la Fédération de la Fédération française des Industries Nautiques Yves Lyon-Caen, à Edouard Philippe.
Dans ce courrier, on peut ainsi lire : « La parution aujourd'hui du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sème le doute et l'incompréhension. D'abord l'article 9 de ce décret vise spécifiquement l'interdiction des activités nautiques et de plaisance. Jusqu'alors, les seules restrictions évoquées dans votre discours, concernaient les plages, les lacs et plans d'eau. Pourquoi un tel revirement ? »

Le doute et l’incompréhension planent également à Lorient, où des voiliers engagés dans le Vendée Globe étaient remis à l’eau à l’issue d’un hivernage plus long que prévu. Certains marins sont même allés naviguer, sans trop savoir s’ils en avaient le droit.

Basé à Lorient justement, le Dunkerquois Thomas Ruyant devait remettre à l’eau son voilier IMOCA rebaptisé « Linked Out », avec lequel il va disputer le Vendée Globe.  Cela se fera mardi prochain, le 19, dans l’optique de pouvoir s’entraîner rapidement et rattraper le temps perdu cet hiver avec le confinement.
 

« Je ne prends pas la tête avec ces histoires de règlements », nous a confié le marin de Malo-les-Bains. « Nous,  les concurrents de la classe IMOCA avons normalement l’autorisation de naviguer. Je me concentre désormais sur le départ du Vendée Globe le 8 novembre, ainsi que sur la course préparatoire prévue en juillet ». Mais Thomas comme beaucoup d’autres déplore cette interdiction de naviguer pour les plaisanciers, et de l’accès aux plages.
 

Eclaircissement en fin de semaine ?


D’ici là, la situation se sera peut-être éclaircie. Cela dépendra de la décision du préfet du Morbihan, un département déjà classé en zone verte, et dans lequel la plupart des maires ont demandé la réouverture des plages, et des équipements nautiques. Qu’en sera-t’il dans le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme, où de nombreux maires sont favorables à une réouverture contrôlée du littoral ?

Dans un autre guide (il y en a 4) publié par le Ministère des Sports au sujet de la reprise post-confinement des activités physiques, consacré lui aux équipements, on peut lire aussi « Ces ouvertures peuvent être autorisées par les préfets sur demande des maires en fonction des situations locales.( …) Il appartiendra aux autorités compétentes d’ouvrir ou non leurs établissements dès la levée du confinement validée pour les équipements sportifs et les activités qui y sont liées. Les sports d’eau vont avoir un attrait particulièrement important suite au confinement du fait de leur connotation ludique, familiale voire touristique, dans un environnement naturel et agréable ».

Bref, à défaut de voile, c’est plutôt à une partie de ping-pong entre pratiquants, fédérations, élus et préfets à laquelle on a l’impression d’assister…

 
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