Déconfinement. "On revient sur terre" : le blues des buralistes, après 3 mois intenses et la réouverture des frontières

Privés des commerces transfrontaliers et du marché illicite jusqu'au 15 juin, les Français n'avaient jamais été aussi nombreux à se rendre chez les buralistes français.

"On a eu l’avant et l'après." Comme Patrick Falewee, président de la fédération des buralistes du Nord, les buralistes se souviendront longtemps de ces trois mois, de la fermeture des frontières au 15 mars à leur réouverture le 15 juin.
 

Dès le lendemain ou le surlendemain [de la fermeture], on a vu revenir sur nos points de vente des clients qu'on n'avait pas eus depuis des mois, voire des années !

Patrick Falewee, président de la Fédération des buralistes du Nord


Car pour les clients habitués à aller chercher leur tabac de l'autre côté de la frontière belge, ou les consommateurs qui s'en procurent "à la sauvette" ou sur internet auprès de ceux qui font la navette, il n'y a plus eu d'autre alternative après cette "date fatidique". "Dès le lendemain ou le surlendemain, on a vu revenir sur nos points de vente des clients qu'on n'avait pas eus depuis des mois, voire des années !", explique Patrick Falewee.

Une fréquentation parfois multipliée par sept

Après tout, "le consommateur qui est addict à ce produit est bien obligé de revenir dans ce marché légal". Un marché légal qui a ainsi vu ses chiffres décoller : "Certains ont vu multiplier par 4 voire par 7 le nombre de leurs clients", et ce dans toute la région, car "les ventes transfrontalières ne s’arrêtent pas à 3 km de la Belgique".

Cette grosse affluence a eu un impact sur tous les maillons de la chaîne, et notamment sur la livraison de tabac. Au centre de réapprovisionnement du secteur, qui se trouve à Douai, "il y a eu des files d'attente, des transporteurs arrivaient la veille" pour pouvoir être chargés, quand d'autres "ne pouvaient pas prendre le volume parce qu'ils étaient saturés", souligne le buraliste.

L'opérateur logistique Logista a fini par étendre le nombre et les horaires des personnels dans ces centres pour répondre à la demande tout en doublant le nombre de camions de livraison de 4 à 8.

À titre d'exemple, les livraisons de seaux de tabac ont augmenté – en volume – de 238,5% en avril 2020, par rapport à avril 2019. 

Le client qui vient tous les jours ou deux fois par jour, il achète toujours quelque chose à côté

Patrick Falewee, président de la Fédération des buralistes du Nord


Et cela ne concerne pas que les ventes de tabac. "On a vendu des tubes pour le tabac à rouler, des briquets, etc", précise M. Falewee. "Et puis le client qui vient tous les jours ou deux fois par jour, il achète toujours quelque chose à côté : un jeu à gratter, une friandise, une revue, un programme TV... C'est bien rare qu'il ne parte pas avec un produit additionnel !"

Ça, c'était jusqu'à la seconde phase du déconfinement, synonyme de réouverture progressive des frontières. "Les premiers qui ont ouvert, c'était Andorre [le 1er juin, ndlr]. On a vu le jour de l'ouverture 7 km de queue sur les routes dans les Pyrénées. Nous, ça a été le 15. En Belgique, il y avait des pointes de vente... je devrais plutôt dire des "grossistes du tabac", qui ont ouvert très tôt, en pleine nuit, et les premiers clients attendaient sur le parking avant l'ouverture". Pas seulement pour leur "consommation personnelle", mais aussi pour le revendre derrière et "faire du business", soupçonne-t-il.

"Évasion fiscale"

Depuis, "on revient sur terre, ça nous fait tout drôle", raconte Patrick Falewee. "On peut pas l’empêcher, on comprend la conjoncture économique", qui pousse les consommateurs à se tourner vers des prix moins chers, mais il insiste sur les pertes que cela provoque, non seulement chez les commerçants qui en vivent, mais aussi pour les recettes fiscales de l'État et par extension le service public.

Pour évaluer, puis prévenir ce manque à gagner fiscal, le patron des buralistes du Nord va écrire aux députés des circonscriptions nordites, comme ses homologues des autres fédérations.

Il souhaite également qu'à terme, les autorités décident de diviser par quatre le volume transportable à la frontière (actuellement 4 cartouches de cigarettes ou 1 kg de tabac à rouler). Sans parler de la question du prix du tabac, aujourd'hui fixé à 10 euros. "Ça ne réduit pas le nombre de fumeurs, ça les déplace vers les marchés parallèles", assure M. Falwee, qui veut en finir avec ce qu'il estime être une "évasion fiscale".
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