Dans une décision rendue lundi 15 mars, le Conseil d'État a validé l'arrêté ministériel autorisant le retour temporaire des néonicotinoïdes. La réautorisation de ces pesticides, utilisés dans les champs de betteraves, était contestée devant le juge par plusieurs ONG environnementales.
"Surpris et en colère", c'est le sentiment de l'association Agir pour l'environnement après la décision du Conseil d'État rendue lundi 15 mars. La plus haute juridiction administrative a validé l'arrêté ministériel du 6 février 2021 autorisant pour 120 jours le retour des néonicotinoïdes, pesticides destinés à lutter contre un puceron vecteur de la jaunisse dans les champs de betteraves. Le juge a notamment estimé que la décision respecte les conditions prévues pour une dérogation, en raison du "risque d'une nouvelle infestation massive par des pucerons."
Surpris et en colère après la décision du Conseil d'Etat de rejeter le recours d'@APEnvironnement et @ConfPaysanne contre la réautorisation des insecticides "tueurs d'abeilles". Il est temps de cesser de privilégier les intérêts économiques de courte vue du lobby agrochimique. pic.twitter.com/UE25s2DdBB
— APE (@APEnvironnement) March 15, 2021
Des données frauduleuses selon les ONG
Mardi 9 mars, les organisations Agir pour l'Environnement, Terre d'abeilles ou encore la Confédération paysanne, avait demandé par procédure d'urgence au Conseil d'État, la suspension de cet arrêté.
Les ONG estiment qu’il ne répond pas aux obligations d'un usage "limité et contrôlé" prévu par la réglementation européenne pour pouvoir déroger à l'interdiction générale des néonicotinoïdes en agriculture dans l'Union européenne. "Cette réintroduction s’appuie sur des données frauduleuses mises en avant par le gouvernement, fustige Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement. Nous sommes hallucinés par l’approximation avec laquelle le gouvernement a réautorisé ces insecticides notamment sur l’évaluation environnementale qui est au mieux très approximative, au pire mensongère".
Par ailleurs, selon les ONG, l’arrêté s’appuie sur des prévisions météorologiques ayant sous-estimé la récente vague de froid, à laquelle les pucerons ne résisteraient pas, alors que les semis doivent débuter vers la fin mars. Elles estiment également que les pouvoirs publics n'ont pas favorisé la recherche de solutions alternatives.
"On nous fait croire que le retour des néonicotinoïdes va pouvoir sauver les producteurs de betteraves, sauf qu’on les enferme encore plus dans la course au volume. Le problème, c’est la pression mise sur les paysans pour produire plus", dénonce Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne. Avant l’audience du recours, un rassemblement devant le Conseil d’État avait également lieu mardi 9 mars.
Pour le gouvernement, la mise au point d’alternatives prend du temps
Coté gouvernement, on estime au contraire avoir imposé des "garanties d'utilisation" et assuré que les récentes températures étaient "dans le bas de la fourchette prévue". Il a par ailleurs souligné que la mise au point d'alternatives nécessitait du temps et qu'une "dizaine d'autres États européens" s'apprêtaient à recourir à des dérogations similaires.
Pour rappel, l'interdiction en 2018 de ces insecticides "tueurs d'abeilles" avait provoqué d'énormes pertes de rendement chez les agriculteurs, notamment les cultivateurs de betteraves à sucre, nombreux en Picardie. Ils estiment à 30 % la baisse de leurs récoltes.