Jugée utopique en 2012, lors des premiers débats sur le sujet, la prescription médicale d'"activités physiques adaptées" (APA) pour les patients atteints de certaines pathologies entre officiellement en vigueur, mercredi, sans que son financement ne soit vraiment garanti.
Concrètement, quelque 60 000 médecins traitants vont avoir la possibilité d'inscrire, sur les ordonnances, la pratique d'un sport pour les dix millions de patients soignés en France pour une affection de longue durée (diabète, Alzheimer, Parkinson, cancer, sclérose en plaques, AVC, etc...). Expérimenté depuis cinq ans sur la base du volontariat des médecins et grâce aux investissements des collectivités locales dans certaines villes pilotes comme Strasbourg, Toulouse ou Biarritz, le dispositif doit cependant se faire connaître et convaincre.
"Pour les acteurs du secteur, c'est brutal", reconnait Valérie Fourneyron, initiatrice de la mesure, en 2012, en tant que ministre des Sports. "Tous les médecins sont persuadés que c'est efficace mais de là à faire une ordonnance et à orienter un patient sur une activité ou un éducateur.... Il va falloir que tout cela s'organise", reprend Mme Fourneyron, elle-même médecin du sport.
Un Vidal du sport
Pour aider à la prescription, la direction générale de la santé va mettre à disposition des médecins des ordonnances type et les agences régionales des listes recensant les éducateurs et formateurs spécialisés. De leur côté, les fédérations sportives ne sont pas en reste. Depuis cinq ans, elles travaillent sous l'impulsion de l'ancien ministre des Sports et médecin Alain Calmat à répertorier les bienfaits de telle ou telle discipline sur différentes pathologies.C'est ainsi que la boxe, l'escrime ou l'aviron ont été repérés comme étant d'une efficacité notable dans le traitement des suites opératoires des cancers du sein, le rugby à V a été quasiment inventé pour une population de séniors atteints d'Alzheimer et le cyclisme comme un bon remède au diabète. "Les informations" données par les commissions médicales de chaque fédération "vont être mises en fiches par les Editions Vidal, comme les médicaments, avec des entrées par sport et par pathologie", explique Alain Calmat.
Et un index va recenser les personnes morales et physiques habilitées à dispenser ces activités physiques adaptées (APA). Les éducateurs devront avoir suivi une filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) et être titulaires d'un diplôme universitaire (DU) pour l'enseignement des APA. Le but ultime du sport sur ordonnance n'est pas seulement la guérison de la pathologie concernée mais surtout la bascule durable de tout un public vers une activité sportive suivie et régulière.
Des milliards d'économies potentielles
"Si vous demandez à une diabétique en surpoids d'aller à la piscine, il y a toutes les chances que ce soit un échec", reprend M. Calmat. "En revanche, si elle se régale en jouant au basket cela peut devenir une habitude de vie." Une habitude qui peut rapporter gros. En 2007, un rapport du Conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS) diligenté par une autre ancienne ministre, Edwige Avice, avait établi à 250 euros le différentiel des dépenses de santé annuelles entre une personne active et une personne sédentaire. Chez les diabétiques, la pratique d'une APA permettrait de réduire de 50% les coûts des soins.L'économie globale potentielle serait de 10 milliards d'euros si les 37 millions de Français sédentaires pratiquait une activité physique et de 500 millions si seulement 5% des personnes sédentaires changeaient leurs habitudes, toujours selon le CNAPS. Malgré tout ces chiffres encourageants, le financement du "sport sur ordonnance" n'est toujours pas assuré. "Il ne peut pas être pris en charge par la sécurité sociale car ce n'est pas un acte coté", explique Valérie Fourneyron. "C'est difficile de dire: une leçon de tennis adapté vaut une consultation à 23 euros. Il faut des crédits fléchés par les collectivités territoriales, des financements privés, comme pour les réseaux de prise en charge de la toxicomanie."
Dans tous les cas, le coût de la mesure est impossible à chiffrer au premier jour de son application. "Tout dépendra de la réactivité des médecins, du nombre de séances prescrites, selon Mme Fourneyon... Pour cela, on est encore dans l'inconnu."