En Picardie, le Rassemblement national s’était fixé pour objectif de décrocher 5 mairies pour ces municipales : Abbeville, Chauny, Hirson, Noyon et Tergnier. Le RN n’en a finalement remporté aucune, à part celle de Villers-Cotterêts dont le maire a été réélu pour un deuxième mandat.
Pour ces élections municipales 2020, le Rassemblement national nourrissait de réelles ambitions en Picardie. Mais pour Patrick Lehingue, professeur de sciences politiques à l’UPJV, ces élections représentent "un gros coup d'arrêt du RN en Picardie. Ce que l’on peut constater, c’est une grosse instabilité du parti. Pour la première fois, les candidats du Rassemblement national ne maintiennent pas leur électorat au deuxième tour. Ces élections révélent un faible ancrage local, à part là où ils étaient sortants."
Dans l’Aisne, le RN est loin des objectifs fixés mais il résiste
En Picardie, seule Villers-Cotterêts, commune de l'Aisne de 10872 habitants a vu l'élection d'un maire investi par le Rassemblement national. Dès le premier tour, Franck Briffaut y a été réélu dès le 1er tour, pour un deuxième mandat.Bénéficiant d’une prime au sortant dans un contexte de crise sanitaire où l’abstention a atteint des records - plus de 60 % - il a obtenu 53,47 % des voix. Loin derrière lui, Jeanne Doyez-Roussel (Divers Centre) obtient 28,53 %. Enfin, Fabrice Dufour, déjà candidat en 2014, obtient 18 %.
Dans l'Aisne, le RN a présenté une liste dans 10 communes : Château-Thierry, Chauny, Gauchy, Hirson, Laon, Tergnier, Saint Quentin, Soissons, Villeneuve-sur-Aisne et Villers-Cotterêts. Mais en Picardie, pour ces municipales 2020, le parti de Marine le Pen a en moyenne présenté un tiers de listes de moins qu'en 2014.
Nicolas Bertin, délégué départemental du RN dans l’Aisne et conseiller régional, est "déçu de n’avoir remporté aucune ville supplémentaire". Pour rappel, l’objectif du Rassemblement national dans le département était de s’emparer des villes de Chauny, Hirson, Tergnier.
On aurait pu espérer un peu mieux
Mais le nouveau patron du RN dans l’Aisne, qui a succédé à Franck Briffaut, se console en calculant le nombre de conseillers municipaux qui d’après lui augmente, "on a gardé Villers-Cotterêts en améliorant le score avec deux conseillers municipaux supplémentaires. On aurait pu espérer un peu mieux, néanmoins on a accru le nombre d'élus à Tergnier également avec trois conseillers dont un communautaire. A Laon, où il n’y avait jamais eu aucun conseiller RN, nous avons maintenant un élu. Nous maintenons l’opposition à Château-Thierry où on reste à deux. A Soissons, deux également".
La déception du délégué départemental vient de la ville de Saint-Quentin où le RN perd un élu, passant de quatre à trois. Même constat à Hirson et à Tergnier. En cause, selon lui, "une abstention phénomènale comme partout ailleurs dans le département". Nicolas Bertin explique cette forte abstention par la crise sanitaire et l’inquiétude sur les questions économiques qui aurait, selon lui, poussé les électeurs à voter pour le maire sortant. Il ne remet pas en cause la fidélité de son électorat. Dans l’Aisne, pour ces élections, les électeurs se sont en effet moins déplacés pour aller voter que pour toutes les autres élections.
Dans l’Oise, le Rassemblement National voit son nombre de conseillers municipaux divisé par deux
Mylène Trosczynski, déléguée départementale du RN dans l’Oise et conseillère régionale, ne cache pas sa déception par rapport aux objectifs que le parti s’était fixés : "On est loin du compte. Nous sommes déçus par rapport à nos espérances du mois de janvier".Dans l’Oise, le Rassemblement national a présenté une liste dans sept villes : Beauvais, Compiègne, Crépy-en-Valois, Mouy, Noyon et Pont-Saint-Maxence. Le RN soutenait également la liste de Michel Dubois à Senlis."On espérait décrocher Noyon , explique Mylène Trosczynski. On estimait que le scrutin devait être annulé compte-tenu de l’annonce du Premier ministre la veille sur l'épidémie et les mesures sanitaires. A partir de là, tout est faussé. Les électeurs ne sont pas allés voter, y compris les nôtres. Résultat, c'est une prime au sortant. C’est comme en tant de guerre, les électeurs ont peur du changement. De plus, cette élection a eu lieu 3 mois après le 1er tour, les gens n’ont pas eu cette conscience citoyenne".
Dans l'Oise, le Rassemblement National voit son nombre de conseillers municipaux divisé par deux. Deux élus RN ont été élus à Beauvais, un à Compiègne, un à Noyon, et un Pont-Saint-Maxence.
Dans l’Oise, au second tour, il ne restait que 2 listes investies par le RN, à Mouy et à Noyon."A Noyon, des électeurs RN ont voté pour la candidate LR "
Noyon, une ville que le RN rêve pourtant de gagner depuis de nombreuses années, et où la fédération du parti est installée. Pour ces municipales, la défaite est cuisante. Dans cette quadrangulaire menée par le maire LREM sortant, la liste RN de Nathalie Jorand est arrivée en 4ème position. Même chose, voire pire au second tour : le RN n’obtient que 9,34 % des suffrages, c’est 5 points de moins qu’au premier tour, et 10 de moins qu’en 2014.
"Il y avait une telle envie de virer le maire sortant que nos électeurs ont voté pour la candidate LR", estime Mylène Trosczynski. La défaite du maire sortant Patrick Deguise, qui se présentait pour un 3ème mandat, est l’une des surprises de ce second tour dans l’Oise. Il est arrivé second avec 35,3 %. 11 voix seulement le séparent de la vainqueur créditée de 35,7%. Patrick Deguise a déposé un recours pour contester l'élection. Après avoir réfléchit à déposer un recours pour contester l'élection dans la commune de Noyon, le RN de l’Oise a finalement rénoncé.
Michel Guiniot, qui figurait en 12ème position sur la liste du RN à Noyon, mais qui devait en cas de victoire devenir maire de la ville tente de comprendre ces faibles scores "selon les territoires, on observe une certaine porosité entre l’électorat RN et LR. Une faible mobilisation déclenchée avec le virus qui a fait que notre électorat ne s’est pas déplacé. Le problème, c’est la participation. La candidate LR gagne avec seulement 14 % des inscrits ».
Mais cette analyse n’est pas partagée par Patrick Lehingue, professeur de sciences politiques à l’université Picardie Jules Verne, qui voit lors de ces élections, « surtoutUne porosité entre l’abstention et le vote RN
Le vote des électeurs RN de ces dernières années a toujours été un vote stable en Picardie, voire en augmentation. Aussi, les résultats de ces élections municipales interpellent les cadres du parti. "Nos électeurs sont toujours fidèles, en tout cas je l’espère. On verra l’année prochaine aux élections départementales", explique la déléguée de l’Oise.
Pour Patrick Lehingue, professeur de sciences politiques à l’université Picardie Jules Verne, ces mauvais résultats du Rassemblement national s'expliquent par le fait que l’électorat populaire s’est peu déplacé : "Les ouvriers et employés se sont plus abstenus que les autres catégories lors de ces municipales et l’électorat du RN est de plus en plus populaire."
L’abstention record de ces élections gagne désormais tous les partis. Le Rassemblement National qui juste là était épargné ne l’a pas été pour ces élections municipales. Selon Michel Guiniot, "cette baisse de la participation implique un certain nombre de phénomènes qu’on a encore du mal à analyser dans l’Oise. Il va falloir retourner sur le terrain pour parler et comprendre. Le phénomène est nouveau. Il y a une normalisation du RN, c'est à la fois une bonne et une mauvaise chose".
Dans la Somme, la débâcle du RN
A Abbeville, le RN s’effondre. Alors que le parti de Marine Le Pen voyait en la capitale de la Picardie maritime une ville « prenable », les scores pour ces élections n’ont jamais été aussi faibles.Patricia Chagnon a vu ses scores s’effondrer entre 2014 et mars 2020. Il y a 6 ans, le FN obtenait 20,85 % des voix. Dimanche dernier pour ce second tour, elle n’a obtenu que 8,4 % des suffrages. Une chute vertigineuse pour la nouvelle patronne du RN dans la Somme, qui a perdu 400 voix entre le premier et le second tour .
Même cause, mêmes effets qu'au niveau national
Mais la nouvelle patronne du RN dans la Somme a ses explications : "Même cause, mêmes effets qu'au niveau national : campagne tronquée par la crise sanitaire au premier tour et impossibilité de faire campagne pour le second tour. Les élus en place ont mobilisé leur réseau pour aller voter. Les candidats en tête au premier tour ont confirmé leur position au second".
Enfin, concernant le nombre d'élus dans la Somme, le Rassemblement national n’aura plus qu’une élue à Abbeville où siègera Patricia Chagnon, seule. Et à Amiens, plus aucun élu ne siègera au conseil muncipal, alors qu’il y en avait trois lors de la précédente mandature.