L'association est soupçonnée de liens avec le terrorisme.
Onze personnes ont été interpellées et trois d'entre elles placées en garde à vue pour détention illégale d'armes, ce mardi matin à Grande-Synthe au cours d'une opération antiterroriste visant l'association "Centre Zahra France". 200 policiers (notamment de la BRI), qui a mené des perquisitions au siège de l'association et au domicile de ses principaux dirigeants, a saisi des armes et du matériel, notamment six ordinateurs."Depuis 6 heures ce matin, 12 visites domiciliaires sont menées par des effectifs de la police nationale dans la commune de Grande-Synthe", explique la Préfecture du Nord.
Grande-Synthe : j’exprime ma reconnaissance à l’ensemble des forces engagées ce matin.
— Gérard Collomb (@gerardcollomb) 2 octobre 2018
3 personnes ont été placées en garde à vue pour détention illégale d’armes et le préfet du Nord engage une procédure de fermeture de la salle de prière du centre "Zahra France". pic.twitter.com/wib0WNbr5G
Apologie du Hamas et du Hezbollah
L'association est soupçonnée de liens avec des organisations terroristes. "Cette opération s’inscrit dans le cadre de la prévention du terrorisme, les activités de l’association « Centre Zahra France » étant particulièrement suivies en raison du soutien marqué par ses dirigeants à plusieurs organisations terroristes et en faveur de mouvements prônant des idées contraires aux valeurs de la République", précisent encore les autorités.
Le centre Zahra héberge plusieurs associations parmi lesquelles le Parti antisioniste, la Fédération chiite de France ou France Marianne Télé. Elles sont soupçonnées par les autorités françaises de légitimer le jihad et de faire l'apologie de mouvements terroristes comme le Hamas palestinien ou le Hezbollah libanais.
Ces "visites domiciliaires" ont été sollicitées par le préfet du Nord auprès du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris qui les a autorisées après avis du procureur de la République de Paris et du procureur de la République de Dunkerque.
Elles sont prévues par le Code de la sécurité intérieure et en vertu de dispositions introduites par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) du 30 octobre 2017.
Trois hommes se présentent comme étant à l'origine de l'association, Gouasmi Yahia, Tahiri Jamel et Khalid Abdelkrim. Leurs domiciles ont été perquisitionnés, selon une source proche du dossier, qui précise qu"un certain nombre" des personnes qui font l'objet de visites domiciliaires détiennent des armes "légalement pour partie".
Gel des avoirs
Parallèlement à cette opération, les avoirs de l'association ont été gelés. "Les fonds et ressources économiques qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par les associations 'Centre Zahra France', déclarée le 25 avril 2005 à la sous-préfecture de Dunkerque (...) font l'objet d'une mesure de gel des avoirs pour une durée de six mois" annonce un arrêté des ministères de l'Intérieur et de l'Économie publié au Journal Officiel.Les fonds de la direction de la sécurité intérieure du ministère iranien du renseignement et de la sécurité ont également été gelés pour six mois.
La salle de prières bientôt fermée ?
Dans un communiqué publié en fin de matinée, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb dit saluer la conduite des opérations.
Il précise que "compte tenu des éléments recueillis par les services de renseignement, le préfet du Nord engage par ailleurs une procédure de fermeture de la salle de prière du centre Zahra France, objet d’une des visites domiciliaires du jour."
Il s'agit de la cinquième fermeture depuis l'entrée en vigueur de la loi SILT.
"Faire connaître le message de l'islam"
Le centre Zahra France est une association musulmane chiite fondée en 2005. Elle dit avoir pour objectif de faire "connaître le message de l'islam". "Nous, soussignés, Monsieur Gouasmi Yahia, Monsieur Tahiri Jamel et Monsieur Khalid Abdelkrim appartenant à l’alchimie des deux mondes, sommes des occidentaux de l’Orient et des orientaux de l’Occident", peut-on lire sur le site de l'association.
Le centre Zahra France organise des colloques, des journées de prière... Parfois, certains invités sont controversés. En 2009, ses activités avaient d'ailleurs éveillé l'attention à cause de déclarations "antisionistes" très virulentes, comme le rapportait l'Express.
Le chiisme est une branche de l'islam. Minoritaire puisque suivie par 15% à 20% des musulmans, elle est surtout suivie en Iran. D'ailleurs, on peut trouver sur la page Facebook de l'association, des publications se référant à l'ayatollah Khamenei, guide suprême de la République islamique d'Iran.
Le chiisme s'oppose au sunnisme, qui est le courant majoritaire, et dont se revendique l'organisation État islamique.
Centre Zahra
Vu sur Message du grand pèlerinage : L'Ayatollah Khamenei.... Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux Et louanges à Allah et salutations à Son Messager al-Mustafa, à sa lignée...
"C'est Israël qui est derrière ça"
Gouasmi Yahia, l'un des responsables du Groupe Zahra France, s'est exprimé ce mardi midi à l'issue de l'opération, qu'il a affirmé être diligenté par... Israël.
"C’est Israël qui est derrière ça" a-t-il accusé, assumant son soutien au groupe Hezbollah, qu'il affirme n'être pas un groupe terroriste mais un groupe de "militants, sincères et qui combattent Israël sur leur territoire qui est occupé."
Controverses
En mai 2016, l'association avait posté un article au sujet de l'État islamique, condamnant "le groupe terroriste dirigé par le Calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi depuis le 29 juin 2014" en le qualifiant de "projet nazi socialo-sioniste".
Déjà en juillet, le centre s'était fait remarquer, rappelle L'Express, à l'occasion d'une conférence où il fut notamment question d'un "appel à l'initiation d'une alliance stratégique amicale entre judaïsme et islam contre sionnisme."
En août 2008 également, lorsque le centre accueille l'activiste franco-béninois Kémi Séba, qui à la même époque apportait son soutien au Hezbollah, un groupe terroriste doublé d'un parti politique chiite, très actif au Liban.
Une communauté fermée
"C'est une communauté très fermée, on ne sait pas trop ce qu'il se passe à l'intérieur, il y a souvent des gardes devant l'entrée", a confié à l'AFP une riveraine anonyme, selon qui l'association possèderait "des commerces en centre-ville".
La mairie de Grande-Synthe précise que ce centre ne participe "ni de près ni de loin" à l'aide aux migrants et aux réunions régulières entre associations et élus.
Loi SILT
La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) est entrée en vigueur le 30 octobre 2017 pour prendre le relais de la lutte antiterroriste lorsque l'état d'urgence a pris fin.Elle permet notamment, par des arrêtés, de mettre en place des périmètres de protection pour sécuriser des lieux ou des événements (comme la braderie de Lille), de fermer des lieux de culte (jusqu'à six mois maximum), d'assigner à résidence une personne faisant l'objet de mesures de contrôle et de surveillance, ou bien de mener des perquisitions comme c'était le cas ce matin à Grande-Synthe.