Danièle et André Hoyez vivent à côté de la maison abandonnée d'une famille partie faire le djihad en Syrie en 2014. Cette habitation est complètement délabrée et, avec le temps, l’eau s’est infiltrée chez les retraités roubaisiens.
“Aujourd’hui, on vit dans notre cuisine et notre véranda, car le reste de la maison est devenue insalubre, et ça devient difficile pour nous.” Au bout du fil, Danièle Hoyez remonte le fil de cette histoire qui est en train de ruiner sa maison et son quotidien de retraité depuis plusieurs années.
Pour planter le décor, Danièle, ancienne éducatrice, et son mari André, ex-peintre en bâtiment, habitent au 38 rue des Arts, à Roubaix depuis 35 ans. “On aime bien notre quartier, on a des bons contacts avec les gens”, explique la femme de 65 ans, qui veut continuer de vivre ici, au Trichon, malgré le calvaire.
Départ en Syrie, maison abandonnée
Tout commence en 2014. À cette époque, leurs voisins mitoyens du numéro 40 ne sont autres que la famille Tahar Aouidate. Après une radicalisation rapide sous la houlette du fils Folid, 23 membres de cette famille rejoindront les rangs de Daech en Syrie.
Aujourd’hui, plusieurs sont morts, d’autres emprisonnés dans des camps ou en France. Plus récemment, une des filles, Sana, 24 ans, mère de deux enfants, revenue dans l'Hexagone a fait l’objet d’une procédure d’expulsion par la préfecture du Nord.
Une fois abandonnée, la maison des Tahar Aouidate sera réinvestie par des trafiquants de drogue. L'endroit est en effet transformé en “ferme de cannabis”. Le couple Hoyez s’en aperçoit quand les forces de l’ordre investissent les lieux en 2020. "La maison était déjà dans un triste état, raconte la Roubaisienne. Il n’y avait plus de plancher, de l’eau stagnait au sol, la toiture avait perdue des tuiles.”
Fuite d’eau et mérule sur les murs
Mais pour le couple de retraités, les gros problèmes surviennent en janvier 2022, à la suite d’un dégât des eaux provenant du numéro 40. Les murs se gorgent d’eau, l’humidité gagne le salon, la chambre et les meubles se mettent à moisir à l’intérieur. "À ce moment-là, l’assurance prévient la mairie de Roubaix, fait savoir Danièle Hoyez. Mais rien n’est fait et moi je ne peux intervenir chez le voisin car c’est privé."
Un problème en amenant un autre, en août 2024, ils observent que des champignons apparaissent sur les murs et sous le parquet des Hoyez, sous l’effet de l’humidité. Il s’agit de la mérule, assurent-ils. "On a relevé 90% d’humidité dans les murs, précise-t-elle. Là ça devenait grave, on ne pouvait plus attendre.” Les meubles moisissent dans le salon et une chambre "rongés par l’humidité". Certaines pièces ne peuvent plus être chauffées.
40 000 euros de préjudices estimés
Selon eux, la mairie de Roubaix envoie plusieurs mises en demeure au domicile de la maison abandonnée à partir du mois de septembre 2024. Car la famille Aouidate reste bel et bien propriétaire des lieux. "Mais rien n’est fait", constate, amère, la Nordiste. Alors, en décembre, un rendez-vous est pris avec l’adjoint à l’urbanisme de la Ville de Roubaix, Philippe Stephan, pour faire bouger les choses.
"Il nous a dit qu’il mettrait une bâche sur le toit de la maison abandonnée, mais ne traitera pas la mérule," rapporte t-elle. Et il nous incite à quitter rapidement la maison pour notre santé."
Selon les Hoyez, la Ville se serait engagée à racheter leur propriété, pour un montant “inconnu”, mais qui leur permettrait, "seulement", de “racheter une petite maison." Ils s’estiment lésés.
Les Hoyez aimeraient que des travaux soient effectués chez leurs voisins et à leur propre domicile. "Nous avons fait un devis estimé à 40 000 euros de travaux chez nous", assure la retraitée. Mais à cette heure personne n’est prêt à les prendre en charge. Selon eux, l’assurance rejette la responsabilité sur la mairie. "L’assurance nous abandonne, la mairie dit qu’elle n’est pas responsable", s'indigne-t-elle.
Une expropriation “tardive” courant 2025
Pour la maison voisine, les choses devraient avancer. Le conseil municipal de Roubaix a bien voté une délibération déclarant l’état d’abandon manifeste de la maison vacante des djihadistes, ouvrant la voie à une procédure d’expropriation, qui sera portée par la Métropole de Lille et son concessionnaire "La fabrique des quartiers". Selon Danièle Hoyez, cette expropriation pourrait être effective "au cours du deuxième semestre 2025".
"La réhabilitation de l’immeuble permettra la réalisation d’un ou plusieurs logements à vocation sociale", indique le compte rendu de conseil municipal. Le prix d’achat de la maison – 82 000€ – sera versé à la Caisse des dépôts. "La somme sera consignée, et restituée aux propriétaires s’ils se manifestent", précise l’élu Philippe Stephan, dans un article de la Voix du Nord.
Pétition de soutien
Mais pour les Hoyez, cette procédure est "tardive", alors qu’ils rappellent avoir “prévenu la mairie” dès 2017 par lettre recommandée de l’état de péril du domicile voisin. Et elle n’assure en rien qu’ils soient indemnisés pour les dégâts causés à leur domicile.
Pour tenter d'accélérer les choses, une pétition de soutien a été lancée en ligne, avec plus de 120 signatures à la date du 22 décembre. "Ça montre qu’on n’est pas tout seul", se réjouit Danièle Hoyez, qui peut compter aussi sur l’une de ses voisines qui lui prêtera sa maison pour les fêtes de Noël.