23 membres de la famille Tahar Aouidate, originaire de Roubaix, ont rejoint la Syrie depuis 2014 dans le sillage du grand frère Fodil, condamné à mort en Irak en octobre 2019.
C'est un exil familial massif, qu'ont choisi les 23 membres d'une famille roubaisienne, partis rejoindre le jihad en Syrie depuis 2014.
Ce serait sous la coupe de Fodil, le grand-frère aujourd'hui âgé de 33 ans, que ses parents, six de ses soeurs accompagnées de leurs maris, l'épouse de Fodil et les enfants de la famille sont allés s'installer sur les terres de l'Etat islamique. Seules deux filles Tahar Aouidate sont restées en France, Anissa et Assia. Elles ont été respectivement condamnées en octobre par la cour d'appel de Paris à 6 et 4 ans de prison ferme. Elles ont été reconnues coupables de financement du terrorisme en envoyant en Syrie 15.000 euros issus des allocations familiales.
"Ce n'est pas sa vie"
Selon les voisins rencontrés par une équipe de France 2, c'est à partir de 2013 que la famille Tahar Aouidate a progressivement changé de comportement. Et notamment les tenues vestimentaires des huit filles, intégralement voilées. Auparavant, "c'était des jeunes filles normales", confie l'habitant. Les huit soeurs pratiquaient la danse à Roubaix, le hip-hop.
L'une d'elles, Nassima, enregistrait même des vidéos tout-sourire pour le compte d'un grand groupe français d'articles de sport.
Selon l'une de ses anciennes amies, Nassima Tahar Aouidate était "pétillante, bourrée d'énergie, qui adorait sortir, danser... Je sais ce qu'elle devient aujourd'hui et on adu mal à comprendre, quand on voit la jeunesse qu'elle a eu, la vie, la danse, les rigolades, les délires. Et aujourd'hui, d'être emprisonnée dans quelque chose qui n'est pas du tout sa vie". Nassima aurait eu cinq enfants en Syrie, dont deux seraient aujour'hui décédés.
Peine de mort
C'est Fodil Tahar Aouidate qui aurait fait un premier voyage en Syrie en 2013. A son retour, il aurait été enrôlé par le recruteur bruxellois Khalid Zerkani, condamné en 2016 à 15 ans de réclusion. Il avait notamment recruté Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
L'une de ses soeurs part en Syrie avant Fodil, qui aurait entrepris la radicalisation du reste de sa famille, tel un "gourou", avant lui-même de mettre les voiles, en mentant à son épouse, une étudiante en BTS de 19 ans. "Je suis parti sans prévenir ma femme. Je lui ai dit qu'on partait en voyage en Turquie, et je l'ai emmenée avec moi jusqu'au sud et à la fin, j'ai pris ma fille et je suis entré (en Syrie) et elle m'a suivi. Elle n'avait pas le choix d'entrer avec moi", a-t-il raconté au Point dans une interview téléphonique.
Un entretien accordé depuis une prison irakienne, où Fodil Tahar Aouidate est détenu. Reconnu comme combattant de l'Etat islamique, le Roubaisien a été condamné en octobre dernier à Bagdad à la peine de mort.
Selon son avocat, Fodil Tahar Aouidate ne serait pas le "gourou" que les autorités décrivent. D'après Me Nabil Boudi, tous les membres de cette famille roubaisienne n'auraient pas véritablement choisi de partir vivre en Syrie. "(Fodil) n'est pas le premier à être parti. Des soeurs sont parties, et les parents ont rejoint pour les récupérer (...) Dès 2014, dès lors où on fait le choix de se retrouver sur cette zone, il était impossible pour des raisons matérielles de revenir sur le sol européen. A mon avis, l'effet boule de neige a commencé là", déclare l'avocat.
A ce jour, la mère de famille serait morte, le père vivant. Deux des soeurs seraient décédées, une serait en liberté en Syrie. Trois autres soeurs et l'épouse de Fodil Tahar Aouidate se trouvent avec leurs enfants dans des camps tenus par les Kurdes. Les beaux-frères seraient quant à eux presque tous décédés en combattant.