Hauts-de-France : les mères célibataires toujours plus en difficulté que les pères

Les femmes seules avec enfants constituent l'immense majorité des familles monoparentales de la région. Leurs conditions de vies continuent d'être plus précaires que celles des pères célibataires.

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Est-il pire d'être une mère seule qu'un père seule ? En 2022, la réponse est toujours oui. L'Institut national de la statistique a publié ce 8 mars son enquête sur les familles monoparentales dans les Hauts-de-France. Sans surprise, et pour tous, la vie est plus dure avec un seul salaire : "comme au niveau national, le niveau de vie des familles monoparentales de la région est inférieur de 30 % à celui des couples avec enfants", constate l'INSEE.

Ce modèle tend à s'étendre, car un quart des familles de la région sont désormais monoparentales - soit 172 000 familles - et ce nombre a augmenté de 10% entre 2008 et 2018. Dans cette structure, "les pères isolés restent l'exception" constate l'INSEE, puisque dans 85% des cas, ce sont les mères qui ont la charge d'une famille monoparentale. Et pour ces femmes, l'écart de niveau de vie avec les couples est encore plus marqué. Avec un résultat cruel : "49% d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté dans la région, contre 33 % pour les pères isolés". Par voie de conséquence, l'INSEE constate que si un père isolé sur deux est propriétaire de son logement, c'est seulement le cas d'une mère isolée sur quatre. 

Le travailleur précaire est une mère célibataire

Occasionnellement, la situation des mères célibataires revient sur le devant de la scène médiatique et politique. La crise des gilets jaunes, puis la crise sanitaire, ont exacerbé leurs difficultés et leur ras-le-bol. "La crise économique actuelle, conséquence de la crise sanitaire du coronavirus, est un révélateur spectaculaire de la précarité des femmes, malgré leur rôle essentiel en cette période décisive" écrit ainsi le Laboratoire de l'Egalité. Le Secours Catholique l'a également constaté, dans son état des lieux de la pauvreté. Parmi ceux qui en appellent à leur aide, "la part des familles monoparentales est plus de trois fois plus importante que dans la population générale. La crise sanitaire a affecté ces ménages, particulièrement les mères seules : leurs ressources sont restées stables, quand elles n’ont pas baissé, tandis que leurs dépenses augmentaient, en raison de la nécessité de garder les enfants à domicile."

Au-delà de la crise, le Laboratoire de l'Egalité fait un constat systémique qu'il juge inquiétant : "Aujourd’hui, le travailleur précaire est généralement une femme jeune, urbaine, à la tête d’une famille monoparentale, qui ne parvient pas à s’insérer durablement sur le marché du travail."

La précarité est un serpent qui se mort la queue. Pour les femmes, la séparation est une cause immédiate de désescalade dans l'échelle sociale. L'INSEE le constate en 2021, après une séparation, les femmes sont nettement plus perdantes sur le plan financier. "Elles subissent une baisse de leur niveau de vie de 20% l'année de la séparation, soit presque trois fois plus que les hommes (7%)". De plus, en prenant la charge d'enfants à temps plein, les mères célibataires ont moins de temps à consacrer à leur carrière. Le temps partiel est désormais largement féminisé : 76% des contrats à temps partiel sont occupés par des femmes, selon le Laboratoire de l'Egalité. Des contrats moins sécurisants, avec des salaires plus bas, qui expliquent en partie les difficultés d'accès au logement que rencontrent les mères seules. 

"On les voit comme des pauvres filles" : le stigmate toujours présent

Avec ces difficultés va de pair une stigmatisation sociale toujours existante, même si la "fille-mère" a laissé place à la "mère célibataire" puis à la "famille monoparentale" dans les jargons officiels. En 1968, deux psychologues français publient un article dans lequel ils estiment que "des implications caractérielles ou névrotiques interviennent presque toujours, consciemment ou inconsciemment, pour conduire une femme, non débile mentale, à la maternité hors mariage". 

En 50 ans, l'aspect psychiatrisant a progressivement disparu, mais il est resté un parfum d'anormalité. "La diversification des parcours conjugaux et des formes d’union ne s’est soldée ni par un affaiblissement de la norme conjugale, ni par une vraie reconnaissance de la vie de célibataire" constatent en 2019 Marie Bergström, Françoise Courtel et Géraldine Vivier, trois chercheuses de l'Ined. La journaliste féministe Johanna Luyssen, qui a écrit un livre sur son expérience en tant que mère célibataire par choix, en a également témoigné : les mères célibataires, "on les voit comme des accidentées de la route, des cas sociaux, des pauvres filles qui ont raté leur vie. Mais dans les cas de mères célibataires qui ne l’ont pas choisi, on s’interroge très peu sur les causes de leurs difficultés, on ne se demande pas par exemple pourquoi les pères ne payent pas les pensions alimentaires."

La difficulté de recouvrement des pensions alimentaires, l'un des facteurs de paupérisation des mères seules, est devenu un sujet politique, même si quantifier le phénomène reste difficile. Ce 1er mars, un nouveau système est entré en vigueur. Désormais, c'est l'Aripa, agence déjà en charge du recouvrement des impayés, qui percevra et versera systématiquement la pension au conjoint concerné, dès la prononciation du divorce par la Justice. Une avancée saluée, mais qui n'empêche pas le gouvernement d'être très critiqué sur le volet de l'égalité hommes-femmes, pourtant choisi comme "grande cause" du quinquennat. 

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