Le sucre, on l'appelle l'or blanc, tant il est précieux. Dans le Nord et l'Est, il est extrait de la betterave. En 1915, les cultures sont devenues des champs de bataille.
Nombre de fabriques ont été détruites, capturées. La production s'est effondrée. Tout près du front, la Sucrerie de Francières a continué à fonctionner, dirigée par une femme à l'énergie hors-norme. Marguerite Benoît.
Marguerite Benoît est une grande bourgeoise. Son mari, Gaston, est directeur de la sucrerie, mais aussi officier d'artillerie. Mobilisé, il est fait prisonnier en septembre 14. Son épouse se retrouve propulsée aux commandes d'un domaine de 900 hectares. Il faut trouver des bras pour assurer la récolte. Les hommes ont été mobilisés. Pendant quatre ans, elle luttera pour les remplacer. Ouvriers, désoeuvrés, prisonniers, soldats aussi, à l'occasion. Une partie de la sucrerie est occupée par les militaires français.
Pour faire tourner l'usine, il faut du matériel, du charbon, des semences. Marguerite Benoît se bat. Les officiers subalternes lui mettent des bâtons dans les roues.Qu'à cela ne tienne. Elle s'impose dans les états-majors parisiens, armée de « laissez-passer », sans cesse modifiés. Les routes sont quadrillées. Elle n'a pas le droit de franchir le passage à niveau voisin. C'est la ligne de front. La boulangère lui passe le pain par-dessus la barrière.
Marguerite Benoît élève ses quatre filles, gère l'école de la sucrerie. Le conseil d'administration se montre à peine reconnaissant. La guerre terminée, elle reprend sa place d'épouse fidèle. Elle dirigera l'usine une dernière fois, en 1951, à 71 ans, après le décès de son mari et de son gendre.