L'audition de DSK était attendue depuis plusieurs mois. Et elle est enfin annoncée. Pourquoi maintenant ?
Pourquoi maintenant ? Pourquoi les juges ont-ils attendu plusieurs mois avant d'entendre DSK ? L'annonce de la garde à vue de Dominique Strauss-Kahn à Lille mardi soulève à nouveau ces questions récurrentes dans le dossier Carlton.
L'affaire a démarré début octobre. Et dès les premiers jours, le nom de DSK a été cité dans de nombreux journaux. Le 16 octobre, l'ancien directeur du FM lui-même demande dans une déclaration à l'AFP, à être "entendu le plus rapidement possible par les juges" en charge de l'enquête sur l'affaire de prostitution au Carlton, le grand hôtel lillois, afin de mettre fin à des "insinuations malveillantes". "En réalité, c'est pas l'affaire Carlton, c'est l'affaire DSK. C'est une création journalistique qui viole totalement et complètement et de façon assez inquiétante la vie privée de cet homme", avait estimé à l'époque estimé Me Dupond-Moretti, avocat de David Roquet.
Puis les semaines, les mois ont passé. Mises en examen, gardes à vue : le dossier s'épaissit mais sans Dominique Straus-Kahn. Aujourd'hui, tous les mis en examen de l'affaire Carlton, à commencer par les plus "proches" de DSK, David Roquet et Fabrice Paskowski, deux entrepreneurs du Pas de Calais sont sortis de prison. De nombreux clients du réseau présumé, de nombreuses "prostituées", de nombreuses personnes citées dans le dossier ont été entendus.
Le nom de DSK apparait partout notamment dans de nombreuses questions des juges : "Est-il arrivé que DSK ait rémunéré des filles ?", "Lors de vos conversations avec DSk, quelle était la nature de votre conversation avec lui ? " (extraits de l'audition de Fabrice Paszkowski).
Au fil des mois, pourtant, on comprend que la stratégie des juges est bien d'entendre tous les protagonistes du dossier pour finir par DSK. Tous sont interrogés sur les soirées, leur financement, leur organisation. Les juges ont également attendu d'avoir les résultats des analyses des téléphones portables (de nombreux SMS ont été échangés). Une manière d'ensuite pouvoir confronter ces données et ces dires à la version de DSK.
Mais pour de nombreux observateurs, judiciairement, il sera difficile aux juges de mettre en cause Dominique Strauss-Kahn. DSK est décrit comme un "simple client". Sera-t-il mis en examen ? Peut-il être inquiété pour « recel d’abus de biens sociaux » ? Complicité de proxénétisme ?
Les réponses à trois questions sont capitales :
-DSK savait-il que certains des femmes qu'on lui "amenait" étaient des "prostituées ? Si oui, il pourrait être inquièté. "Mon client n'a jamais dit qu'il avait présenté ces jeunes femmes à DSK comme étant des prostituées", a indiqué Maître Dupond-Moretti, avocat de David Roquet, l'un des "organisateurs-finançeurs" des "soirées". DSK pouvait-il vraiment ignorer que les "filles" étaient rémunérées ? Il "pouvait parfaitement ignorer (qu'il s'agissait de prostituées), parce que dans ces soirées, on n'est pas forcément habillé. Et je vous défie de distinguer une prostituée nue d'une femme du monde nue", a déclaré Me Henri Leclerc, un de ses avocats.
-DSK savait-il que David Roquet et Fabrice Paszkowski payaient les frais des "voyages" et "soirées" avec les deniers de leur entreprise ? Si oui, on pourrait éventuellement parler de recel d'abus de biens sociaux. Dans les PV d'auditions, les deux chefs d'entreprise indiquent clairement que DSK n'était au courant de rien. Est-ce la réalité ou cherchent-ils à protéger leur "ami" ?
-Les soirées étaient-elles organisées en échange de contrats ou avantages ? Non, répond-il. "Intellectuellement, c'est intéressant de discuter avec quelqu'un comme lui. Je n'ai tiré aucun bénéfice de mon amitié avec lui, je travaille dans le domaines des particuliers et pas dans le domaine de l'Etat." Dans ces SMS, DSK semble pourtant le mettre en relation avec des hommes politiques proches. Son avocat affirme qu'il n'a jamais été question de contrats ou marchés obtenus grâce à ses éventuelles mises en relation.
Des questions nombreuses et complexes. Les enquêteurs et DSK y sont préparés depuis des semaines. La garde à vue de DSK démarrera mardi à 9h. Elle pourrait durer 48h.
A revoir :
Notre enquête sur l'affaire : les couloirs du Carlton.