L'avocat général a demandé ce vendredi à Douai l'acquittement pour la femme battue ayant tué son mari.
"La société a failli en la laissant en danger, en ne faisant rien pour elle. On ne peut l'envoyer en prison." C'est par ces mots que l'avocat général, Luc Frémiot a demandé l'acquittement pour Alexandra Lange. Une heure 15 de réquisitoire très émouvant.
"La justice en laquelle je crois, c'est celle qui est humaine, capable de sanctionner
sans faiblir quand il y a besoin de le faire", a déclaré Luc Frémiot, l'avocat général, au terme d'un réquisitoire de plus d'une heure, devant une cour au bord des larmes.
"Vous ne pouvez pas la condamner (...), parce que (son mari) avait la possibilité
de la tuer ce jour-là, en l'étranglant. Il n'avait pas besoin de couteau", a-t-il
plaidé.
Demandant à la cour de "penser à l'avenir" et aux quatre enfants de l'accusée, l'avocat général a lancé : "Alexandra Lange, elle a toujours été seule. (..) Aujourd'hui, je ne veux pas la laisser seule, (elle) n'a rien à faire dans cette salle d'assises, acquittez-la !", a conclu l'avocat général.
Alexandra Lange, femme battue de 32 ans, est accusée d'avoir tué son mari en 2009 à Douai lors d'une dispute conjugale. Le procès qui a débuté mercredi a mis en lumière
le "calvaire" enduré pendant onze années de mariage.
"Pourquoi ne pas avoir quitté votre mari" alors que "pendant 11 ans vous avez vécu un enfer", lui a demandé la présidente de la cour. "J'avais peur des représailles, qu'il me tue, qu'il me frappe, et je ne savais pas comment faire avec mes quatre
enfants", répond, tête baissée, Alexandra Lange.
Reportage de Jean-Louis Manand et Jean-Marc Vasco (22 mars 2012)
La jeune femme est présentée par les diverses expertises comme une personne "calme"
et "discrète", une "bonne mère" mais totalement "effacée", "soumise", complètement
"sous l'emprise" de son mari, un homme oisif, alcoolique et violent.
"L'enfermement, l'emprise, c'est la prison psychologique de ces femmes qui n'ont
pas d'autre moyen, au paroxysme de la violence, que d'en finir", plaide Me Nathalie
Tomasini, l'une des avocates de l'accusée.
"Il était toujours violent, il tapait sur ses enfants, sans motif, et tapait sur Alexandra", se souvient à la barre le fils de la victime, né d'un premier mariage. "Si ce n'est pas elle qui l'avait (tué), ce serait quelqu'un d'autre", ajoute-t-il.
Elle avait voulu porter plainte pour violences huit jours avant les faits mais "les policiers n'ont rien fait, ne m'ont pas écoutée", dit-elle. Finalement, une main courante sera déposée.
Le soir des faits, raconte Alexandra Lange, après qu'elle a questionné son mari sur des sites pornographiques homosexuels qu'il regardait fréquemment, "il s'est rué sur moi, m'a étranglée, m'a giflée plusieurs fois, m'a mordue à la main et là, j'ai vu le couteau sur la table de la cuisine et je lui ai porté le coup".
"Quelle a été la réaction des enfants quand ils ont su que leur père était mort
?", lui demande l'avocat général. "Je pense qu'ils étaient soulagés", répond l'accusée.
Alexandra Lange, qui comparaît libre, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le verdict est attendu ce vendredi.