Candidat probable face à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon a-t-il une chance de l'emporter dans la 11è circonscription ?
"Ça va être une bataille homérique" . Jean-Luc Mélenchon le sait : en choisissant Hénin-Beaumont, il ferait un choix très risqué. Celui de perdre face son ennemie numéro un. Les chiffres, les sondages, les premières impressions des élus locaux le prouvent : le leader du Front de Gauche est loin d'avoir gagné la bataille de la 11ème circonscription. Une circonscription qui englobe les cantons de Carvin, Courrières, Hénin-Beaumont, Leforest, Montigny-en-Gohelle, Rouvroy.
"Prédire qui de Mélenchon ou de Le Pen serait susceptible de l'emporter est difficile, mais ce qui est sûr, c'est que l'arrivée du président du Front de gauche va changer la donne", explique Bernard Dolez, politologue spécialiste du Pas-de-Calais.
"La campagne risque de se polariser autour d'un vote pour ou contre le FN et sur la personnalité des deux candidats, en laissant ainsi un peu de côté les enjeux locaux", ajoute-t-il.
Concernant l'issue du scrutin, "Mélenchon pourrait bien sûr récupérer une partie des votes de l'électorat populaire, qui s'est fortement reporté depuis dix ans de la gauche traditionnelle vers le FN, mais cela sera-t-il suffisant?", s'interroge M. Dolez.
Que disent les chiffres ?
Au 1er tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a réalisé dans la 11ème circonscription Hénin-Carvin 14,85%, Marine Le Pen 31,42%. François Hollande y était arrivé en deuxième avec 28,75% des suffrages.
Une 4ème place qui ne semble pas, au premier abord de très bon augure pour Jean-Luc Mélenchon. Il peut se rassurer en observant que le total des voix de gauche (Joly, Hollande, Poutou, Artaud), qu'il peut prétendre rassembler, faisait 46,5%. Pas de quoi assurer la victoire mais un chiffre qui dévoile une autre certitude : la circonscription semble marquée à gauche : François Hollande l'a emporté dimanche avec près de 60% des voix. "C'est une bastille de gauche imprenable", affirme Hervé Poly, numéro 1 du PC dans le Pas de Calais.
En 2007, Marine Le Pen avait été battue dans une circonscription au découpage différent (la 14ème) par Albert Facon (PS). Elle avait fait 41,65% au 2ème tour.
Si la presse parle souvent de "fief", Marine Le Pen n'y a jamais gagné, souvent battu au 2ème tour par un "Front républicain".
Que disent les sondages ?
Les derniers connus, mais non officiels, réalisés il y a un mois et demi, donneraient tous, selon des sources au PS, Philippe Kemel, maire de Carvin (officiellement investi par le Parti Socialiste), vainqueur au 2ème tour devant Marine Le Pen.
Depuis, le Front de Gauche en a sans doute commandé un autre pour tester la candidature Mélenchon. Mais on n'en connaît pas encore les résultats.
Que disent les responsables politiques ?
"Nous ne craignons pas que M. Mélenchon vienne à Hénin-Beaumont. S'il venait, il aurait sans doute des grandes surprises car l'électorat ouvrier de Marine Le Pen est particulièrement motivé, et pas précisément du côté de M. Mélenchon", a déclaré ce vendredi Jean-Marie Le Pen. Une façon de rappeler que cette 11ème circonscription fait clairement partie des objectifs du Front National (Ce serait la première fois qu’un membre du FN rentre au Palais Bourbon depuis 1986). Et si Marine Le Pen n'habite non plus la circonscription, elle fait moins figure de "parachutée" que Mélenchon.
A droite, un responsable régional de l'UMP estime que le choix de Mélenchon est particulièrement risqué. L'UMP espère d'ailleurs qualifier son candidat, Jean Urbaniak, maire MODEM de Noyelles-Godault, pour le 2ème tour.
Au PS, on affirme que le candidat désigné par le parti, Philippe Kemel, bien que très contesté en interne, se maintiendra quoiqu'il arrive. "Dès lors que Jean-Luc Mélenchon serait candidat, cela donnerait lieu à un beau débat d'idées au premier tour et à un désistement républicain au deuxième tour", pense Catherine Génisson, première secrétaire du Parti socialiste dans le Pas-de-Calais.
En clair, le PS pense que Kemel peut arriver en tête des candidats de gauche au 1er tour. Ce que confirme Marie-Noëlle Lienemann, ancienne "parachutée" à Hénin-Beaumont, citée par Libération : "Jean-Luc aura du mal à être en tête s'il n'obtient pas le soutien du PS".
Pierre Ferrari, candidat DVG aux cantonales à Hénin-Beaumont en 2011 après avoir été responsable aux Jeunesses socialistes pense lui que le PS devrait laisser la place à Jean-Luc Mélenchon : "Si toute la gauche s'unissait derrière lui, nous aurions une chance de créer une dynamique pour contrecarrer celle sur laquelle surfe Mme Le Pen depuis la présidentielle" juge-t-il.
Une certitude : le duel est indécis, il va faire parler et focaliser l'attention. C'est aussi sans doute l'un des objectifs de Jean-Luc Mélenchon en venant à Hénin-Beaumont. De ce point de vue, il a déjà gagné.
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