Joël Gombin, politologue, a analysé le 1er tour de la présidentielle 2012.
Pas vraiment de surprise dans les résultats du vote d'hier: si ce n'est le faible de score de la gauche de la gauche, d'un poids historique non négligeable en Picardie, les expressions politiques des Picards sont cohérentes.
La baisse de la participation
Depuis plusieurs scrutins, la baisse de la participation est notable. Pourtant, historiquement la Picardie, et la Somme en particulier, sont très participationnistes : elles participent en général plus que la moyenne.
Or à partir de 2012, le taux de participation en Picardie est tout juste dans la moyenne nationale.
Cette tendance n’est pas liée à une offre politique peu attrayante mais plutôt à un certain nombre de transformations sociologiques.
La 1ère serait le déclin de l’encadrement social et politique des classes populaires : autrefois, l’influence du PCF était extrêmement forte dans notre région. Cette influence est aujourd’hui de moins en moins perceptible. Et cela d’autant que la Picardie, bien que région industrielle fortement marquée et touchée par la désindustrialisation, reste une région rurale : les ouvriers vivent en campagne. Il existe chez nous une classe ouvrière rurale. Un facteur qui affaiblit la capacité d’encadrement et de politisation des couches populaires.
Pour preuve, les résultats de Jean-Luc Mélenchon et du Front de Gauche en Picardie : ils sont tout juste dans la moyenne nationale alors qu’au regard du poids historique du Parti Communiste Français dans la région, on aurait pu s’attendre à un score plus élevé. Ce qui prouve le déclin de la tradition de la gauche de la gauche en Picardie, notamment dans la Somme et l’Aisne. Il ne reste que quelques villes de tradition ouvrière où le Front de Gauche a fit un score honorable.
Montataire (60): les irréductibles du Front de... par France3Picardie
Pas surprise dans les votes
Nicolas Sarkozy placé en tête dans l’Oise n’a rien d’inattendu: l’Oise a toujours été un département orienté à droite. Mais ce qui est nouveau, c’est la coexistence d’un score élevé pour l’UMP et d’un score de l’extrême droite également élevé : si on fait la somme des 2, le bloc Droite n’aura jamais été aussi haut dans l’Oise.
Une droite très présente dans l'Oise par France3Picardie
Dans la région, il y a eu clairement un effet des vases communicants entre l’UMP et le FN: le score de chacun des 2 s’explique en partie par le fait que des électeurs qui avaient voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 sont allés ou revenus vers le FN en 2012. Mais cela ne suffit pas à expliquer la progression de Marine Le Pen en Picardie : le nombre de votants pour le Front National cette année est nettement plus important qu’en 2002. Elle a donc conquis de nouveaux électeurs en 2012.
Un Front National très présent dans les communes rurales de la région : au niveau national, le score du FN s’explique par le vote ouvrier, souvent urbain, capté en 2007 par Nicolas Sarkozy et parti vers Marine le Pen par déception. Ce sont effectivement les ouvriers qui ont voté FN en Picardie, le vote ouvrier est très largement rural. Ce qui explique le vote des campagnes tout en avalisant l’explication ouvrière de la percée du FN.
Le score du FN à Bohain-en-Vermandois (02) par France3Picardie
Même le score du FN n’est pas une surprise
La montée du Front National s’installe depuis 2002. Cette tendance confirme par ailleurs le déplacement du centre de gravité du vote FN depuis le sud-est méditerranéen vers le ¼ nord-est avec comme épicentre la Picardie.
Ce qui signifie que le FN s’est imposé comme un parti à part entière. On ne peut pas entièrement expliquer ce vote par la crise : la montée du FN est une tendance qui s’est dessinée dès 2002 donc avant la crise. De plus, l’offre politique à droite étant réduite pour ce 1er tour (Nicolas Sarkozy et Nicolas Dupont-Aignan), les électeurs ont identifié le FN comme une offre politique alternative à droite.
Les Verts et Bayrou : pas étonnant non plus
Sociologiquement et politiquement, toutes les conditions sont défavorables à un vote écologiste en Picardie : l’électeur écolo est urbain et diplômé. Or, sociologiquement, la Picardie est plutôt rurale et peu diplômée.
De plus, politiquement, l’écologie politique n’a jamais réussi à s’implanter en Picardie, une situation renforcée par la présence importante des chasseurs dans notre région.
Les Verts picards pensent déjà aux législatives par France3Picardie
Même cause même effet pour François Bayrou, déjà malmené en 2007, qui a le même type d’électorat que Les Verts : l’électeur Modem est plutôt urbain, diplômé et habitant des régions de tradition catholique. La Picardie, rurale, peu diplômée et déchristianisée, est loin d’être favorable à un vote au Centre.