La maire de Lille conteste les raisons pour lesquelles elle a été mise en examen ce mardi pour homicides involontaires.
Martine Aubry s'est défendue mardi devant la juge de toute faute dans sa gestion du dossier de l'amiante quand elle était haut fonctionnaire dans les années 1980, rejetant un à un tous les griefs ayant justifié sa mise en examen.
L'ancienne patronne du PS a été mise en examen pour homicides et blessures involontaires par la magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui s'intéresse notamment à la réponse des pouvoirs publics entre les années 1970 et l'interdiction de l'amiante en 1997.
Corinne Péhau
Mme Aubry est poursuivie en sa qualité d'ancienne directrice des relations du travail (DRT) du ministère du Travail entre avril 1984 et septembre 1987, dans le cadre de l'enquête sur l'exposition à l'amiante de travailleurs de l'usine Fereo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados).
La juge estime qu'elle n'aurait pas pris les mesures qui auraient permis d'éviter les conséquences dramatiques de cette exposition, argument rejeté avec force par Me Yves Baudelot, avocat de la maire de Lille.
"Aucun indice grave et concordant ne justifie la mise en examen, aucune faute n'a été commise et aucune causalité n'est démontrée entre ce que la DRT a fait entre 1984 et 1987 et les pathologies concernées par l'enquête", a déclaré mardi soir Me Baudelot, qui déposera mercredi une requête en annulation de la mise en examen.
Voici l'intégralité de la déclaration faite par Martine Aubry devant la juge d'instruction :
Transcription d'une directive européenne trop tardive ?
Dans le détail, la juge reproche notamment à la DRT d'avoir tardé à transcrire dans la législation française une directive européenne de 1983 concernant la protection des travailleurs exposés à l'amiante. Ce texte devait être transcrit pour application début 1987, mais le décret n'a été signé que le 27 mars 1987.
Mme Aubry, qui a demandé à être entendue comme témoin, a indiqué à la presse que le décret préparé par la DRT avait été transmis "dans les délais", en novembre 1986, au ministre en charge du dossier, à l'époque Philippe Séguin.
Selon son entourage, la maire de Lille a par ailleurs dénoncé comme une contrevérité le fait que trois articles de cette directive n'auraient pas été transposés, observant notamment que les dispositions prévues par deux d'entre-eux étaient contenues dans le premier texte réglementant l'usage de l'amiante en France, le décret de 1977.
La juge a également accusé Mme Aubry de ne pas avoir analysé des données de la CNAM qui auraient permis de comprendre qu'une épidémie se développait malgré le décret de 1977.
Là encore, Mme Aubry a doublement démenti selon son entourage, affirmant que les analyses des données de la CNAM étaient même publiées à la Documentation française, et soutenant que ces données ne pointaient alors pas vers l'existence d'une épidémie. Au contraire, les cancers propres à l'amiante étaient très rares dans les années 1980, selon la maire de Lille.
Elle a par ailleurs catégoriquement rejeté toute participation au Comité permanent amiante (CPA), considéré par les victimes comme le lobby des industriels de l'amiante, qui aurait efficacement oeuvré a retarder l'interdiction de l'amiante.
"Pendant l'audition, la juge n'a pas fait la moindre objection"
Elle a réaffirmé, comme elle l'avait fait devant les policiers en janvier 2010, qu'elle ignorait dans les années 1980 l'existence même du CPA. Pour Mme Aubry, rien dans le dossier de la juge ne montre que le CPA ait eu une influence quelconque sur l'administration du Travail.
Mme Aubry a par ailleurs cité plusieurs décisions prises par la DRT pour démentir l'argument de la juge selon laquelle elle n'aurait été à l'initiative d'aucune réglementation de protection des salariés de l'amiante.
"Pendant l'audition, la juge n'a pas fait la moindre objection à nos observations argumentées", a affirmé Me Baudelot. "Il est clair qu'il était hors de question pour elle d'aboutir à autre chose qu'une mise en examen."