Meurtre de Stéphanie : pourquoi 17 ans après ?

Comment la police a réussi à élucider le meurtre de l'étudiante à Lille en 1995 et interpeller le gendarme ?

 

Un "cold case" à la Lilloise. Une affaire exceptionnelle selon le procureur de Lille, Frédéric Fèvre. Une affaire non élucidée pendant 17 ans que les enquêteurs n'ont jamais laissé tomber. Le dossier Stéphanie Fauviaux, retrouvée étranglée dans sa baignoire le 24 mai 1995 a peut-être trouvé son épilogue ces dernières heures.

Un gendarme, Lylian Legrand, a été interpellé à son domicile de Nice lundi dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de cette étudiante lilloise en 1995. Il a reconnu qu'il était présent au moment du décès de Stéphanie Fauviaux mais n'a pas reconnu le crime pendant sa garde à vue.

Il a été présenté à un juge d'instruction lillois ce vendredi après-midi qui l'a mis en examen pour homicide volontaire. Il a été écroué et sera entendu la semaine prochaine. Il encourt 30 ans de réclusion pour les faits qui lui sont reprochés. Son avocat est Maître Emmanuel Riglaire, pénaliste lillois.


Le reportage d'Hélène Tonneillier et Laurent Navez

Une affaire qui pose beaucoup de questions. Au fil des heures, les premières réponses, partielles, peuvent être avancées.

Pourquoi 17 ans d'enquête ?

4 juges d'instruction, des centaines d'audition et de prélevements, un appel à témoins, une mise en examen (d'un certain Radouane) : l'enquête a connu de multiples rebondissements depuis 1995.

Pourquoi a-t-il été aussi long de dénouer l'affaire ? Plusieurs éléments semblent avoir joué :

-Le meurtrier a été méticuleux et a tout fait pour brouiller les pistes. Des objets sans valeur ont par exemple été volés dans l'appartement pouvant laisser croire à un crime crapuleux. Une pièce avait été placée dans la serrure de l'appartement pour empêcher d'y entrer.

-Pendant plusieurs jours après la découverte du corps, c'est la thèse du suicide qui avait été privilégiée. Ce qui a pu retarder l'enquête. Selon RTL qui a révélé l'information, "il aura fallu attendre cinq jours pour que des policiers chevronnés prennent le relais et placent sous scellés le peu d'éléments exploitables."

-La question est délicate mais la police est-elle exempte de tout reproche ? Déjà au début de l'enquête et plus tard en 2000, le gendarme avait été entendu car il était une des deux personnes à avoir découvert le corps (avec une autre amie de la victime). Mais ses empreintes ADN n'auraient pas été prélevées. Il avait été mis hors de cause à chaque fois. Mais en relisant ses PV d'audition des années après, les enquêteurs ont relevé des contradictions.

-Les enquêteurs ont cru en 1997 avoir trouvé un suspect. Radouane, un Lillois qui avait fourni un faux alibi. Il est mis en examen mais faute de preuves ne sera pas jugé. Son profil ADN ne correspondait pas à celui retrouvé sur la scène du crime. Il est toujours en examen aujourd'hui. Ce qui semble désormais être une fausse piste a forcément a une influence forte sur l'enquête.

-Les techniques scientifiques ont beaucoup évolué en 15 ans. Des éléments impossibles à analyser à l'époque peuvent désormais l'être. D'autres traces ADN sur le peignoir de la victime ont ainsi été découvertes récemment par le laboratoire scientifique de Bordeaux. Ce qui a permis eu juge d'instruction et à la PJ de Lille de reprendre toute l'enquête en février 2012 (elle était jusque-là dans les mains de la Sûreté Urbaine de Lille).

Comment a-t-il été confondu ?

Plusieurs fois, l'enquête a été quasiment reprise à zéro. Analyses scientifiques, auditions, éléments d'emploi du temps : tout a été régulièrement repassé au peigne fin. On ignore pour l'instant comment mais c'est d'abord l'enquête policière sous la conduite du juge d'instruction qui a mené de nouveau la PJ lilloise à Nice.

C'est pendant sa garde à vue que son ADN a été prélevé. La comparaison avec des cellules de peau (et non un poil pubien comme évoqué précédemment) retrouvées sur le peignoir de Stéphanie Fauviaux a confirmé les aveux. Ce n'est donc pas seulement l'ADN qui a été déterminant dans cette affaire.


Qui est le gendarme ? qui était au courant de son "secret" ?

Originaire du Béthunois, Lylian Legrand, âgé de 41 ans, interpellé à Nice n'était pas gendarme en 1995. Il était étudiant ou sans-emploi, avait réussi des tests pour devenir gendarme (il le deviendra un an plus tard) et était en couple avec la soeur de Karine, colocataire de Stéphanie Fauviaux. Il est aujourd'hui marié avec elle. Le couple a deux enfants. Sa femme pourrait lui avoir fourni un alibi au moment du meurtre, ce que le Paruet n'a pas confirmé.

Des membres de la famille du suspect ont été placés en garde à vue, selon une source proche de l'enquête. En tout 7 personnes depuis le début de la semaine. Sans doute pour comprendre comment ce lourd secret a-t-il été gardé si longtemps. D'autres personnes étaient-elles au courant ? Y-a-t-il eu des complicités ?

A la gendarmerie de Nice, Lylian Legrand est adjudant et s'occupe d'informatique (technicien en transmission).

 

 

Lylian Legrand habitait et travaillait ici à la gendarmerie de Nice.


Quel rôle ont joué les parents de Stéphanie Fauviaux ?

Stéphanie Fauviaux, habitait à Lille en 1995. Elle avait 18 ans.

Stéphanie Fauviaux est enterrée à Wizernes, près de St-Omer, là où vivent encore ses parents. Francis et Ginette Fauviaux se sont toujours battus pour connaître la vérité.

En mai 2009, 14 ans après la mort de leur fille, les parents de l'étudiante avaient
lancé un appel à témoins dans La Voix du Nord. Un appel lancé à tous ceux à qui un détail reviendrait (sur le suspect ou sur un autre), qui ont omis une anecdote ou n'auraient pas été entendus. « On demande aux gens de faire un effort », avaient-ils déclaré.

Ils sont toujours restés en contact avec les enquêteurs. Ils avaient participé à l'émission de Jacques Pradel "Témoin, numéro 1" sur TF1. Ils n'ont pas souhaité réagir pour l'instant à l'interpellation du gendarme de Nice. mais le frère de la victime a déclaré : "C'est quelque chose qu'on attend depuis longtemps, c'est un soulagement. L'enquête n'est pas encore finie, ça fait 17 ans qu'on attend, on va encore attendre jusqu'au jugement".

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