C'est la question posée lors du procès en Assises d'une mère dont le bébé a été retrouvé dans une fosse septique.
La cour d'assises du Nord a examiné lundi le cas d'une femme ayant accouché dans les toilettes et dont l'enfant avait été retrouvé dans une fosse septique, au cours d'un procès qui devra déterminer si un déni de grossesse peut aussi inclure l'accouchement.
Le 15 décembre 2007, Patricia, 41 ans, se présente aux urgences de l'hôpital de Valenciennes, du sang sur les jambes, dans un état de grande confusion. Dépêchés dans la maison qu'elle occupe, pompiers et gendarmes récupèrent un nouveau-né dans la fosse septique des toilettes extérieures, flottant sur un amas de papier hygiénique et d'excréments.
En état d'hypothermie, la petite fille prématurée d'1,5 kilo, née vers 4 heures du matin, a survécu, alors que la température extérieure était proche de zéro degré (nous étions le 15 décembre). Elle a été secourue par les pompiers vers 10h15, en grande détresse respiratoire.
"Je n'étais pas bien, je pensais que c'était des coliques. J'ai ressenti de la chaleur
mais je n'aurais jamais pensé que j'accouchais", a déclaré l'accusée, issue d'une famille nombreuse très modeste, marquée par un passé de violence, d'alcoolisme, et une mère "étouffante".
Présentée par les experts-psychiatres comme une personne à l'intelligence "moyenne" mais "sans décrochage avec la réalité" et responsable pénalement, l'accusée n'a cessé de répéter qu'elle n'était pas consciente d'être enceinte.
Patricia comparaît pour tentative d'homicide volontaire sur mineur de moins de 15 ans. Elle risque la prison à perpétuité.
Si les psychiatres présents se sont accordés sur un déni de grossesse "manifeste", les débats tentent de déterminer si la mère avait conscience d'accoucher d'un enfant, puis de l'abandonner. La question a été très peu étudiée scientifiquement, selon les psychologues.
"J'ai senti quelque chose de chaud"
L'accusée qui comparaît libre, a raconté "être allée faire pipi" vers 04h00 du matin, le jour de son accouchement, dans les toilettes, décrites comme "à l'ancienne", situées juste à l'extérieur de la maison de sa mère, chez qui elle vivait une grande partie du temps.
"J'ai senti quelque chose de chaud. Je ne me suis pas inquiétée. En rentrant,
j'ai vu du sang, ça coulait". Elle demande finalement à son voisin de l'emmener aux urgences. L'homme a depuis été identifié comme le père de l'enfant par des tests ADN.
Quelques mois avant l'accouchement, deux assistantes sociales à qui elle raconte que "ça bouge dans son ventre", lui assurent qu'elle est enceinte. "Je ne m'en souviens plus", répond-elle. Même réponse pour des éléments médicaux qui auraient pu provoquer une prise de conscience : cri du bébé au moment de la rupture du cordon, blessures qui nécessiteront une épisiotomie.
"Même si elle a eu des alertes pendant sa grossesse, c'était une réalité inacceptable", en partie car elle ne pensait plus pouvoir être enceinte à son âge, a affirmé son avocate Me Camille Coulon.
Pour s'expliquer les modifications de son corps, l'accusée a dit s'être "focalisée sur un cancer ou sur la ménopause".
L'avocat général a souligné les contradictions et les trous de mémoire de l'accusée, sur sa liaison amoureuse avec son voisin, et sur un avortement subi dans sa jeunesse. La question du devenir de l'enfant, placée dans une famille, est aussi au coeur des débats. Sa mère bénéficie d'un droit de visite mensuel.
"J'aime ma fille, jamais je ne lui aurais fait de mal", a-t-elle répété à plusieurs reprises, précisant qu'elle espère en retrouver la garde. Le procès doit s'achever mardi soir.