INTERVIEW. "Le déconfinement, cela doit être pro-gre-ssif !", alerte le chef du service réanimation du CHU Lille

Chef du service réanimation au CHU de Lille, Julien Poissy a vertement critiqué certaines scènes de regroupement aux premiers jours du déconfinement. En tant que citoyen, il demande un dernier effort - modéré - pour ne pas reprendre les activités en groupe avant 15 jours - trois semaines. 

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Pourquoi êtes-vous inquiet pour les semaines à venir ? Quels mauvais signes observez-vous ?
Il y a une incertitude sur la circulation virale qui peut s'arrêter, rester ou se renforcer. La maladie est bénigne dans la très grande majorité des cas, mais il faut pouvoir absorber tous les cas graves, ce qui n'a pas pu être fait en Italie par exemple. En France, ça a été différent, notamment dans notre région qui a pu anticiper et adapter ses hôpitaux, mais si c'est à refaire dans les semaines à venir, ça sera impossible, vue la fatigue des équipes et la mobilisation de moyens que cela exige. Je souhaite donc un déconfinement, comme cela a été demandé -pro-gres-sif- sur 15 jours, trois semaines qui nous donne un recul suffisant, tenant compte du temps d'incubation. Cela permettra de se réajuster si nécessaire. 

Qu’est-ce qui vous inquiète dans la situation actuelle ?
Je ne suis ni homme politique ni épidémiologiste, mais les regroupements de personnes dans mon quartier, ou qu'on m'a rapportés sur les marches de l'opéra de Lille ou la queue devant le Printemps... Je ne comprends pas ! C'est même parfois contradictoire, j'ai par exemple vu quelqu'un, en voiture avec un masque, se rendre à un apéritif en extérieur avec une dizaine d’autres personnes, et enlever son masque sur place. Le déconfinement, ce n'est pas ON-OFF, ça doit être progressif.  

Un déconfinement réussi, c’est quoi pour vous ?
Encore une fois je ne suis pas épidémiologiste, mais l'idée c'est de freiner ou de ralentir considérablement la circulation du virus. Le déconfinement est souhaitable et raisonnable d’un point de vue social mais doit être accompagné des gestes barrière, de la distanciation sociale, des masques et j'insiste sur le lavage des mains. Et ensuite pas d'activité loisirs, juste le travail et les courses indispensables. Je sais qu'on a tous envie que cela s'arrête, moi le premier. Je n'ai pas vu mes enfants depuis deux mois et quand je parle de semaines de travail de 100 heures au CHU de Lille, ce n'est pas une vue de l'esprit... Mais là, il s'agit d'un dernier effort modéré à faire sur 15 jours, trois semaines. 
 
A quelle condition n’y aura-t-il pas deuxième vague, selon vous ?
Si l'on déconfine de cette manière, on réduira drastiquement l'importance de la deuxième vague, si deuxième vague il y a. Après je ne suis pas Mme Irma, et nous avons encore beaucoup d’incertitudes sur le comportement du virus et sa circulation. Je me permets d’insister sur le fait qu’au-delà de réfléchir pour soit, il faut penser aux autres. Ne pas craindre le virus pour soi-même parce que l’on est jeune et en forme n’est pas une bonne manière de penser. Il y a aussi le risque de le transmettre à d’autres, dont son entourage, fragiles et qui pourraient eux faire des formes graves.   
 
Les équipes ont-elles progressé dans la prise en charge de la maladie ?
Oui en ce qui concerne la physiopathologie, c'est-à-dire la façon dont se comporte le virus dans l'organisme humain. Le SARS-CoV-2 fait partie d'une famille de virus connue mais il a quelques spécificités comme la façon dont il attaque le poumon. La connaissant mieux, on peut mieux régler les ventilateurs et améliorer le recours à des techniques plus complexes (l'oxygénation extra-corporelle) pour gérer les défaillances pulmonaires (mais aussi rénales, ou d’autres organes). Pour ce qui est des anti-viraux et des traitements immunomodulateurs, là, la connaissance se crée.

Y a-t-il encore des patients atteints du Covid-19 qui entrent dans votre service ?
Depuis quelques jours non, mais le 8 mai il y avait encore des malades nouvellement Covid-19 qui entraient. La durée moyenne de leur séjour est de 11 jours dans le service réanimation, mais des patients doivent aussi être pris en charge plusieurs semaines avant un long parcours de rééducation. En parallèle, il y a aussi la prise en charge de tous les autres patients non-COVID, qui nous laisse peu de répit.
 

 
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