Du 5 au 11 novembre, le président de la République a parcouru les lieux marquants de la Grande Guerre. Le point d'orgue du Centenaire de la guerre 14/18. Mais le contexte social et politique a rattrapé Emmanuel Macron, transformant cette itinérance mémorielle en parcours du combattant.
Ce devait être un moment de ferveur populaire. De rassemblement des Français derrière le sacrifice des millions de victimes, morts et blessés, de la guerre 14/18. Une semaine à parcourir les lieux marquants de la Grande Guerre. En Moselle, Meurthe-et-Moselle, dans la Meuse, la Marne, les Ardennes et enfin les Hauts-de-France. Un périple à la rencontre du souvenir d'un conflit qui a profondément marqué l'Europe en général et la France en particulier. Un périple jamais vu, qui cassait les codes des déplacements des présidents de la République française. Pour "briser la vitre qui sépare traditionnellement le président du pays", selon l'Elysée.
Un contexte social et politique fort
Ce devait être un moment de communion nationale. Emmanuel Macron voulait marquer les esprits et cette fin de centenaire de sa patte. Comme d'autres avant lui ont fait construire des musées à leur nom ou des pyramides de verre. Mais l'histoire ne s'est pas déroulée comme il l'attendait. Ce périple fut presqu'un cauchemar. L'itinérance mémorielle, selon le terme voulu par l'Elysée, du président de la République a été polluée par le contexte politique et social de ces derniers mois.
Et si rassemblement il y a eu, c'est incontestablement contre la politique menée par le chef de l'Etat. Et contre sa personne même. Venu célébré la paix, il n'aura que trouble et agitation sur son parcours.
Il est vrai que les étapes de ce road trip présidentiel n'étaient pas des sinécures : des territoires qui n'avaient pas voté pour Emmanuel Macron, des villes moyennes touchées de plein fouet par la désindustrialisation. Mais quand même. Ces territoires ont l'habitude de taire leurs souffrances devant leur Histoire. Notamment celle de 14/18. Pour la première fois, ce ne fut pas le cas : le souvenir des morts a perdu face à la douleur des vivants.
Entre manifestations et interpellations
Tout avait pourtant bien commencé : la halte du lundi matin à Morhange en Moselle laissait présager des moments emprunts d'une rare solennité. C'est dès Pont-à-Mousson, quelques heures plus tard, que la situation a commencé à déraper : les premiers manifestants ont fait leur apparition sur le parcours du président de la République.
Sans compter l'indifférence de beaucoup de Français quant à sa venue dans leur commune. A Albert dans la Somme, une semaine avant son arrivée, beaucoup ne savaient pas qu'Emmanuel Macron allait être en visite.
A Verdun, une nouvelle difficulté à fait son apparition : les interpellations directes. Par un retraité sur la hausse du carburant qui cristallise la majorité des mécontentements : "vous sentez le malaise en France qui monte?"
"Je n'ai pas 1100 euros de retraite"
Puis vint le Conseil des ministres décentralisé à Charleville-Mezières. Mercredi 7 novembre. Devant la préfecture des Ardennes, des centaines de personnes sont accoudées aux barrières de sécurité. En visite à l'usine PSA toute proche, Emmanuel Macron finit à pied les quelques mètres. C'est à ce moment que Josiane, cheveux courts grisonnants, aide-soignante de 57 ans, lui lâche un "Pourquoi vous nous massacrez ? Je suis jamais descendue dans la rue, jamais. Mais maintenant, avec vous, je suis obligée".
Emmanuel Macron prendra le temps de lui parler, de s'expliquer, d'essayer de convaincre. Il ne cessera de le faire durant tout le reste de son voyage : par un syndicaliste à l'usine MCA de Maubeuge dans le Nord, par des retraités avant d'entrer dans un EPHAD de Rozoy-sur-Serres dans l'Aisne : "j'ai travaillé pendant 44 ans et je n'ai pas 1100 euros de retraite", lui raconte l'un d'eux.
"Vous n'êtes pas le bienvenu", lance un syndicaliste à Emmanuel Macron, en visite à l'usine Renault de Maubeugehttps://t.co/Ixw9r82nyT pic.twitter.com/UYDiVife9A
— franceinfo (@franceinfo) 8 novembre 2018
A Albert dans la Somme vendredi 9 novembre, Emmanuel Macron n'aura pas le temps d'être ralenti par des manifestants : les gendarmes mobiles les avaient évacués avant son arrivée.
Les colères du pays
On peut lui reconnaître cette audace : n'avoir jamais refusé le contact avec les Français. Un contact, souvent physique, qu'il finissait par aller chercher. Avec une certaine frénésie même."J'ai été élu en me faisant secouer et ça continuera jusqu'au bout", a souligné Emmanuel Macron, se félicitant d'avoir "senti le pays en profondeur", dans "ses attentes, ses envies, ses angoisses, ses colères".
Les colères du pays, le chef de l'Etat les a sans aucun doute pris de plein fouet. Il a passé une semaine à faire le service après-vente de sa politique, accompagné d'une bonne dose de tentative de déminage. Lui qui voulait casser son image de président des riches et des villes, de Jupiter loin du peule, a-t-il convaincu ?
Son prochain rendez-vous en province est prévu vendredi 16 novembre à Besançon pour inaugurer le musée des beaux-arts. A la veille de la journée de mobilisation des "gilets jaunes". Encore peut-être l'occasion d'aller au front.