"La Vie d'Adèle" ne peut plus être diffusé

Une association proche des catholiques traditionalistes a obtenu l'interdiction aux moins de 12 ans de "La Vie d'Adèle", Palme d'or à Cannes tourné dans le Nord Pas-de-Calais, soit réexaminée. En attendant, son visa d'exploitation (au cinéma, à la télévision ou en DVD) est suspendu. 

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Dans une décision rendue publique mercredi, la cour administrative d'appel de Paris a demandé à la ministre de la Culture Fleur Pellerin de "procéder au réexamen de la demande de visa" d'exploitation du film "La Vie d'Adèle" dans un "délai de deux mois". En attendant, ce visa -c'est-à-dire l'autorisation administrative nécessaire à toute exploitation dans les salles- est "annulé", a-t-elle indiqué, empêchant la diffusion du film sur tout support (télé, DVD...).

Une interdiction aux moins de 18 ans ?

La cour a estimé que "La Vie d'Adèle: chapitres 1 et 2" d'Abdellatif Kechiche, un film tourné dans le Nord Pas-de-Calais comportait "plusieurs scènes de sexe présentées de façon réaliste, en gros plan" qui sont "de nature à heurter la sensibilité du jeune public".

De ce fait, la ministre "ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation" au regard de la loi "accorder un visa d'exploitation comportant une interdiction limitée aux mineurs de 12 ans", ajoute-t-elle, sans dire jusqu'à quel âge le film devrait être interdit. Le ministère de la Culture a immédiatement annoncé son intention d'introduire un recours devant le Conseil d'Etat.

De son côté, Abdellatif Kechiche a déclaré dans Le Monde trouver cette interdiction "plutôt saine".

Des scènes jugées pornographiques et choquantes

Récompensé par une Palme d'or à Cannes en 2013 et salué par la critique, "La Vie d'Adèle", avec Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, raconte une passion amoureuse entre deux jeunes femmes à Lille. Il a fait à ce jour un million d'entrées en France. La justice avait été saisie par l'association Promouvoir, cofondée par l'avocat André Bonnet et proche des milieux catholiques traditionalistes, qui revendique 350 adhérents. Elle estimait que le film aurait dû être interdit aux moins de 18 ans.

Promouvoir avait été déboutée en première instance en septembre 2014 de sa demande d'annulation du visa d'exploitation du film. Elle fait part mercredi à l'AFP de sa "grande satisfaction", soulignant que ses "actions reposent sur une révolte contre des images choquantes, violentes ou pornographiques".

Des actions contre plusieurs films

Les cinéastes de l'Association des auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP) ont, eux, fait part de leur "stupeur" devant cette décision, dans laquelle ils voient "un nouveau signe, parmi ceux trop nombreux déjà, de l'urgence de repenser en profondeur notre système de classification des films".

C'est loin d'être la première fois que Promouvoir obtient gain de cause, en dépit des avis de la commission de classification des oeuvres du Centre National du cinéma (CNC), généralement suivis par le gouvernement. Elle avait en effet déjà réussi cet été à faire interdire aux moins de 18 ans "Love" de Gaspar Noé, histoire d'amour avec des scènes de sexe non simulées, film au départ simplement interdit aux moins de 16 ans. Auparavant, elle avait obtenu en juin une interdiction aux moins de 18 ans pour le film d'horreur "Saw 3 D: Chapitre final". Parmi ses autres faits d'armes: le relèvement de l'âge légal pour "Nymphomaniac" de Lars Von Trier (2014), pour "Ken Park" de Larry Clark (2004) ou "Baise-moi" de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi (2001).

Vers une réforme de la classification ?

Elle peut s'appuyer sur un article du Code du cinéma et de l'image animée, qui stipule que tout film qui "comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence" doit être interdit aux moins de 18 ans. Constatant que l'état actuel des textes permet à cette association d'obtenir facilement
satisfaction en justice, la ministre de la Culture a chargé en septembre le président de la commission de classification du CNC, Jean-François Mary, de lui présenter d'ici janvier des propositions de réforme.

L'objectif pour le ministère est d'"améliorer et sécuriser la procédure de délivrance des visas", avec "le souci de bien concilier la protection de la jeunesse" et "un cinéma libre, audacieux, en prise avec son temps".

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