Le Front national mis en examen, Wallerand de Saint-Just attaque l'Etat

Visé par une enquête sur son financement, le Front national a été mis en examen mercredi pour recel d'abus de biens sociaux et complicité d'escroquerie. Wallerand de Saint-Just, trésorier du parti et conseiller régional de Picardie, dénonce un "acharnement" et attaque l'Etat.

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Le Front national a été mis en examen mercredi pour recel d'abus de biens sociaux et complicité d'escroquerie dans l'enquête sur son financement, à trois mois d'élections régionales qui s'annoncent favorables pour le parti.

"Il n'y a pas le moindre indice de l'existence de charges qui montrent que le FN a pu se rendre coupable de recel d'abus de biens sociaux et de complicité d'escroquerie", a commenté devant la presse le trésorier du parti et conseiller régional de Picardie, Wallerand de Saint-Just, à sa sortie du bureau des juges. "Nous sommes innocents de toutes les accusations qui sont portées contre nous", a insisté le candidat frontiste aux régionales en Ile-de-France.

Une affaire gênante à trois mois des élections régionales

Pour Florian Philippot, l'un des vice-présidents du Front national, le dossier est "d'un vide intégral, d'un néant absolu. Rien n'a été dissimulé".  La mise en examen du FN intervient à trois mois des régionales. Le parti d'extrême droite reste haut dans les sondages malgré ses ennuis judiciaires et le conflit persistant entre Marine Le Pen et son père.

Dans cette affaire, les magistrats ont déjà mis en examen six personnes, dont le vice-président du FN Jean-François Jalkh, ainsi qu'une entreprise proche du parti, Riwal, et le microparti Jeanne, considéré comme celui de Marine Le Pen. Au centre de l'enquête des juges Renaud van Ruymbeke et Aude Buresi, figure Frédéric Chatillon, patron de l'agence de communication Riwal, ancien chef du GUD, le syndicat étudiant d'extrême droite, et ami proche de Marine Le Pen.

Les enquêteurs soupçonnent cet homme de 47 ans, qu'ils considèrent comme le gérant de fait de Jeanne, d'avoir mis en place avec d'autres protagonistes un système d'enrichissement frauduleux lors des législatives de 2012.

Les kits de campagne mis en cause

En cause : des kits de campagne (tracts, affiches...) conçus et vendus par Riwal, puis fournis par Jeanne à une grande majorité de candidats frontistes (525 sur 565) qui signaient un contrat de prêt avec le micro-parti. Selon une source proche du dossier, les juges considèrent que le coût des kits, ouvert au remboursement des frais de campagne par l'État pour les candidats faisant plus de 5%, "était très largement surévalué". Ils estiment aussi que ces kits étaient une condition pour obtenir l'investiture du parti.

Le FN conteste leur caractère obligatoire, tout en faisant valoir une nécessité de rendre homogène le message de la campagne, donc de passer par un seul fournisseur.

Des prêts considérés comme fictifs par les juges

Dans le viseur des juges figurent aussi les prêts de Jeanne aux candidats. Considérés comme fictifs, ils n'auraient eu pour but que d'obtenir le remboursement par l'État des intérêts d'emprunt, inclus dans les comptes de campagne. Des remboursements d'intérêts pour 600.000 euros, alors que le préjudice total est évalué à "plusieurs millions d'euros" par une source proche du dossier.

Les juges soupçonnent aussi l'entreprise Riwal d'avoir financé illégalement le FN et Jeanne, par des dons ou des aides, comme la mise à disposition gratuite de locaux ou d'employés, le paiement durant la campagne des législatives de salaires sur deux mois pour des emplois présumés fictifs de deux responsables, l'actuel maire de Fréjus David Rachline et le député européen Nicolas Bay, la prise en charge d'une facture de plus de 400.000 euros ou des facilités de paiement comme des crédits fournisseur sans intérêts.

Le FN contre-attaque

L'enquête a été fragilisée par un vide législatif : le délit d'acceptation par un parti politique d'un financement provenant d'une personne morale n'est en effet plus puni par la loi. Cette faille avait échappé au législateur, au parquet de Paris et aux juges d'instruction. Le ministère public avait pris par la suite un réquisitoire supplétif en suggérant aux magistrats la mise en examen du parti pour recel d'abus de biens sociaux et complicité d'escroquerie dans le volet des remboursements de frais de campagne.

"Nous montrerons que le parquet ne pouvait pas redemander une mise en examen pour les mêmes faits mais sous une qualification différente", a déclaré Wallerand de Saint-Just. Dénonçant "l'acharnement du procureur de la République de Paris", il a assigné l'État, lui réclamant 200.000 euros.
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