Le débat divise les Britanniques.
Sonner ou ne pas sonner, telle est la question. À quelques jours du Brexit, fixé au 31 janvier, la sortie de l'Union européenne continue de déchirer les Britanniques confrontés à cette question assourdissante : l'horloge Big Ben marquera-t-elle cet événement historique?
La cloche la plus célèbre du monde, âgée de 160 ans et logée dans la tour Elizabeth du Palais de Westminster, est réduite au silence depuis plus de deux ans en raison de vastes travaux de restauration.
"50 000 livres par coup"
Elle ne sonne plus qu'en de très rares occasions comme le Nouvel an et certains partisans du Brexit voulaient qu'elle marque la sortie de l'Union européenne le 31 janvier à 23H00.
Trop cher, a rejeté mardi le Parlement. L'opération, vu les travaux actuels, pourrait coûter jusqu'à 500.000 livres (585.000 euros). Presque "50.000 livres par coup", a calculé le président de la Chambre des communes, Lindsay Hoyle.
Fervent partisan du Brexit, le Premier ministre Boris Johnson a refusé d'enterrer l'idée, évoquant la possibilité d'une souscription publique.
"Big Ben doit retentir pour le Brexit"
L'idée a vite reçu le soutien de donateurs conservateurs, qui se sont dits prêts à contribuer à l'effort collectif mais aussi de journaux comme le Daily Expres qui a martelé en Une. "Big Ben doit retentir pour le Brexit".
If you’d have told me, three and a half years ago, that if leave win this, even in their ultimate moment of victory, they’ll just come up with some fresh grievance, I’d have said: “Why are you telling me this? Of course they will. Grievance is all they are.” pic.twitter.com/5pIUvQmqUm
— Tom Peck (@tompeck) January 16, 2020
Downing Street a mis fin à ce fugace espoir des "Brexiters" en révélant jeudi que le Parlement n'était en réalité pas autorisé à lancer une campagne de financement participatif.
"Embarrassé par le Brexit"
Dans les rangs des pro-Brexit, la déception est forte. Pour le député conservateur Mark François, il est "inconcevable" que cette cloche iconique ne retentisse pas pour un si grand événement, qui met fin à près d'un demi-siècle d'un mariage souvent conflictuel.
Le gouvernement est "embarrassé par le Brexit et n'en est pas fier", a de son côté attaqué Nigel Farage, figure de la campagne en faveur de la sortie de l'Union européenne lors du référendum de 2016.
Certains médias eurosceptiques ont accusé les partisans du maintien dans l'Union européenne d'avoir gonflé l'estimation des coûts pour faire sonner Big Ben, relevant que la cloche avait bien retenti pour célébrer le Nouvel an.
Une parodie virale
Loin de faire l'unanimité même au sein des partisans du Brexit, le combat engagé pour faire retentir la cloche fait grincer des dents. "Vous avez perdu la boule?", titre une parodie virale de la Une du Daily express, pointant du doigt ceux qui "veulent dépenser un demi-million pour faire sonner une cloche" malgré la pauvreté et en pleine crise climatique.
The best reactions to that Daily Express Big Ben Bong front cover - 'Have You Lost Your F##king Minds' https://t.co/292gw3iInV
— Lance Dyer (@Lance63) January 15, 2020
La plupart des ministres conservateurs ont d'ailleurs évité de s'exprimer sur ce sujet, Steve Barclay, en charge du Brexit, ayant déclaré qu'il "n'oserait pas" commenter.
Downing Street a indiqué prévoir des événements particuliers pour marquer ce "moment historique". Mais en privé, certains reconnaissent le danger que constituerait tout forme de triomphalisme dans un pays encore divisé par la sortie de l'Union européenne.
"Pour beaucoup de monde, ce ne sera pas un moment de joie", a averti le député du Parti national écossais Patrick Grady, dont la formation est résolument pro-européenne.
Chacun sa cloche ?
Face à ce refus, le groupe eurosceptique Leave.EU a demandé à ce que toutes les églises du pays retentissent le 1er février, pour "célébrer la nouvelle indépendance du Royaume-Uni".
Mais l'organisme représentatif des sonneurs de cloches "ne cautionne pas l'idée de (les) faire sonner pour des raisons politiques", a déclaré son porte-parole Vicki Chapman, ajoutant cependant que cela restait "à la discrétion" de chaque clocher.
Face à cet énième pied-de-nez, un commentateur a proposé que chacun amène sa propre cloche lors d'un rassemblement prévu le jour J devant le Parlement.